Que peut faire la commission d'enquête du Sénat contre TikTok?

"Je ne me fais pas d'illusions, nous n’allons pas tout révéler, mais la commission permet de mettre un pied dans la porte", réagissait le sénateur Claude Malhuret à l'annonce de l'ouverture d'une comission d'enquête sur TikTok, le 9 février. En effet, cette commission, dont les travaux débutent le 13 mars, ne pourra pas faire toute la lumière sur les pratiques de TikTok.
Pour mener à bien le travail de cette commission, 19 sénateurs ont été désignés. Le président du groupe Les Indépendants, Claude Malhuret en sera le rapporteur et le socialiste Mickaël Vallet, le président. La commission s'ouvrira avec l'audition de Marc Faddoul, un chercheur en intelligence artificielle et spécialiste des algorithmes.
Ces travaux ont pour objectif de "déterminer si les contenus mis en avant par TikTok changent d’un pays à l’autre, si ces différences de fonctionnement ont pour objet ou pour effet de servir une stratégie tendant à porter atteinte aux utilisateurs étrangers de TikTok, à la cohésion ou à la sécurité des États étrangers". Et enfin de voir "si TikTok a manqué à ses obligations en matière de protection des données à caractère personnel", indiquait la proposition d'ouverture d'une enquête.
Mais le travail des sénateurs va se heurter à plusieurs obstacles: déjà la commission "n'a aucun pouvoir de coercition", reconnaissait le rapporteur le 9 février. Dans une interview donnée au JDD le 5 mars, Claude Malhuret a prévenu: "En tant que sénateurs, nous n’avons pas les moyens d’analyser des pages et des pages de codes qui, de plus, changent tous les jours (...) Je ne me fais pas pour autant d’illusions sur notre capacité à percer l’opacité des algorithmes".
Etablir des recommandations
Pour aider les sénateurs à orienter leurs questions, ils vont s'entourer de chercheurs spécialisés dans les algorithmes. Et Claude Malhuret anticipe la stratégie de TikTok: "c’est dans la réponse aux questions qu’il risque d’y avoir des contournements. Le diable se niche dans les détails", précise-t-il au JDD.
La commission pourra seulement interroger des Français travaillant pour la filiale française de TikTok. Et celle-ci compte s'appuyer sur les récentes décisions de la Commission Européenne en leur demandant de transmettre les informations qui l’ont poussé à interdire à ses fonctionnaires d'utiliser TikTok, soupçonnant la plateforme d'espionnage de données.
Cependant, une commission d'enquête comporte plusieurs avantages: les personnes auditionnées sont obligées de déférer à la convocation et déposent leur témoignage sous serment. Dans le cas où la condition n’est pas respectée, des sanctions sont prévues. Elle permet également des contrôles sur pièces. "Nous aurons donc les moyens de nos objectifs", avance malgré tout Claude Malhuret auprès du JDD.
A l'issue de six mois de travaux, la commission fera des recommandations. Par ailleurs, le ministre délégué au Numérique Jean-Noël Barrot recevra le 10 mars Erich Andersen, conseiller général de ByteDance, maison-mère de TikTok. Il va exiger "la feuille de route et les engagements de l'entreprise" ainsi qu'un "calendrier opérationnel précis" des mesures prises pour protéger les données de ses utilisateurs, a indiqué le ministère.