Censure, tradition, interruptions: la version chinoise de TikTok est bien différente de la nôtre

Douyin. Ce nom ne vous dit probablement rien. Et pourtant, vous utilisez peut-être son “clone” occidental tous les jours, sous le nom de TikTok. Car Douyin, qui appartient également à ByteDance, la maison-mère de TikTok, est uniquement réservée au marché chinois, quant à lui privé de la version occidentale de la plateforme.
Côté pile, côté face
A première vue, TikTok et Douyin partagent de nombreux points communs: une interface au design similaire, mettant en scène une succession de vidéos en plein écran, destinée à nous faire passer de longues heures les yeux rivés sur notre mobile. Mais sous le capot, la réalité est bien différente.
Si les menaces d’interdiction de TikTok en Occident reposent essentiellement sur des problématiques de cybersécurité, les critiques mentionnent également la propension du réseau social à retenir l’attention des plus jeunes pendant de très longues heures. Ce 1er mars, TikTok a ainsi annoncé une limite de 60 minutes par jour pour les utilisateurs mineurs, bien que cette limite soit facultative et que TikTok n’ait aucun moyen de vérifier l’âge des internautes.
En Chine, le gouvernement fait pression depuis plusieurs années sur les géants de la tech pour considérablement limiter le temps passé par les adolescents sur les écrans, que ce soit en matière de jeu vidéo ou sur les réseaux sociaux.
Dès 2021, Douyin a ainsi limité le temps passé sur son application à 40 minutes pour les moins de 14 ans. Contrairement à ce qui est appliqué en France, cette limite ne peut pas être supprimée par l’utilisateur. Elle est par ailleurs complétée d’une désactivation automatique de l’application après 22 heures.
Pauses de cinq secondes
La version chinoise de TikTok a par ailleurs imposé des pauses de cinq secondes entre deux vidéos pour les utilisateurs passant trop de temps à consulter la plateforme. Un laps de temps durant lequel les internautes voient apparaître des messages du groupe de musique chinois Phoenix Legend les incitant à “poser leur smartphone”.
Mais en plus d’encadrer plus drastiquement son accès, le gouvernement chinois pousse Douyin à s’accorder avec sa politique. Sans grande surprise, l’application masque les contenus critiques vis-à-vis du gouvernement chinois, mais aussi les vidéos qui concernent le sort des Ouïghours. Dans sa version occidentale, TikTok se montre en revanche bien plus ouverte.
Mais la censure de Douyin concerne également des contenus dits “progressistes”, contre lesquels lutte le Parti communiste chinois. Il est par exemple interdit d’y diffuser des “opinions malsaines et non conventionnelles sur le mariage et l’amour”, selon les règles de l’application, qui visent concrètement les contenus LGBT.
Douyin est par ailleurs invité à mettre en avant l’éducation et la culture traditionnelle du pays. Comme le rapportait le South China Morning Post en janvier 2022, la plateforme rémunère par exemple les internautes qui diffusent des vidéos de danse traditionnelle chinoise.
Cette stratégie pousse régulièrement des spécialistes ou politiques à présenter TikTok comme un “Cheval de Troie” conçu pour abrutir la jeunesse occidentale, tandis que la jeunesse chinoise serait “éduquée” par Douyin, grâce à la présence massive de contenus éducatifs. Un constat toutefois loin de faire consensus, et qui ne s’appuie pour l’heure sur aucune donnée mesurable.