"C'est notre seule vie. Je ne vais pas la passer sur Tiktok": avec la tendance du curriculum, les Américains s'inventent des devoirs pour éviter le "brain rot"

Cette année, les étudiants ne sont pas les seuls à replonger la tête dans les cours. Aux Etats-Unis, certains internautes s'inventent des cours et des devoirs pour parfaire leur culture générale.
Depuis plusieurs jours, la tendance du curriculum (programme scolaire en anglais, NDLR) cartonne auprès des utilisateurs sur Tiktok. Le principe est simple: au lieu de scroller sans fin sur l'application de vidéos courtes, les internautes se créent des programmes de lecture ou d'apprentissage autour de différents sujets. Et surtout, ils filment le tout pour leurs abonnés. Une sorte de retour à l'école 2.0.
Tout a commencé avec les vidéos d'Elizabeth Jean. En août dernier, la jeune femme s'est amusé à expliquer à ses abonnés qu'elle se créait un programme culturel personnel chaque mois. Elle sélectionne chaque mois quelques sujets qu'elle souhaite découvrir et plusieurs livres ou articles en lien.
Rapidement, la vidéo a dépassé les 700.000 vues. Alors la jeune femme a continué. Elle s'est par exemple renseigné sur l'astrologie, la pâtisserie, l'oenologie ou l'évolution de l'épidémiologie moderne.
Apprendre sans la pression de l'université
Depuis, plusieurs internautes se sont inspirés de ses programmes. Certains tentent d'apprendre le piano. D'autres une nouvelle langue en autodidacte. Mais ici, pas de système de notation ni de professeur qui impose des lectures barbantes. Les internautes sont à la fois élèves et professeurs et décident de ce qu'ils étudient. C'est par exemple le cas de la créatrice de contenus Cozy Marjorie.
"C'est une façon d'apprendre quelque chose qu'on n'apprendrait peut-être pas à l'école, sans la pression d'un environnement universitaire", observe Cozy Marjorie, à CBC Canada. "Mais avec une petite touche d'originalité, où il n'y a pas vraiment de règles."
La jeune femme s'est donc préparé un programme pour développer un de ses intérêts de longue date: les arts manuels autour du tissu et des fils. "J’ai toujours été très intéressée par la couture et le tricot... j’ai donc décidé de créer mon propre programme structuré autour de l’histoire des arts de la fibre", résume-t-elle. Elle s'est donnée quatre mois pour terminer un programme comprenant six livres et plusieurs essais personnels.
De son côté, Gianna Jackson s'est créée un programme personnalisé organisé en "unités" d'étude. Cela inclut la décoration intérieure, l'astrologie ou les neurosciences. "C'est notre seule vie. Je ne vais pas la passer sur Tiktok", confie-t-elle à TODAY.com. "Je vais apprendre des choses qui m'inspirent."
Emma-Louise, une autre créatrice, a construit son programme autour de cinq grands thèmes: la finance, la carrière, la santé et le bien-être, l'état d'esprit et les connaissances générales. Mais elle a également créé des modules entiers sur la stratégie commerciale de Taylor Swift.
"J'ai toujours eu beaucoup de mal à me concentrer et à apprécier l'apprentissage lorsque j'avais l'impression d'être obligée d'apprendre un sujet qui ne m'intéressait pas. C'est pourquoi je trouve cette tendance très rafraîchissante", note-t-elle. La jeune femme va jusqu'à s'imposer des devoirs ou des sorties scolaires pour maintenir son rythme d'écolière.
Lutter contre le "brain rot"
La tendance permet ainsi de lutter contre le "brain rot" (ou "pourriture cérébrale", NDLR). L'expression, élue mot de l'année par l'Université d'Oxford, définit la "dégradation mentale liée à une consommation excessive de contenus numériques de mauvaise qualité". Par exemple, lorsque les utilisateurs scrollent indéfiniment et enchaînent les vidéos stupides. D'après Oxford University Press, son utilisation a augmenté de 230% entre 2023 et 2024.
Selon le Docteur Paul Wright, vice-président principal du Nuvance Health Neuroscience Institute, le "brain rot" n'est pas un diagnostic médical. Cependant, trop de temps passé devant un écran peut "perturber notre concentration, notre humeur et notre sommeil". Remplacer le temps passé devant un écran par des activités d'apprentissage peut aider à combattre ces symptômes.
"Notre cerveau s'épanouit grâce à l'équilibre", insiste-t-il à TODAY.com. "Remplacer le défilement incessant par la lecture, le mouvement ou la connexion nous permet de garder un cerveau plus vif et en meilleure santé."
Certaines internautes ayant embrassé la tendance du curriculum ont effectivement constaté des bienfaits sur leur cerveau. C'est le cas de la créatrice Figfeelings.
"Quand je passe trop de temps sur mon téléphone, je me sens surexcitée après, pas détendue: agitée. Après avoir lu un livre, je m'endors", souligne-t-elle auprès de Newsweek. "Je suis devant des écrans presque toute la journée, alors c'est agréable de me récompenser avec du temps hors écran."
La galeriste s'est ainsi créé un programme autour des sciences politiques, avec un texte de 4.000 pages sur l'histoire de la Palestine, de l'Allemand, de l'économie et des arts. Elle travaille un peu chaque soir, comme pour de vrais devoirs, donc. "Je suis beaucoup plus fière de ce que j'ai accompli dans la journée", affirme-t-elle. Surtout, la jeune femme a considérablement divisé son temps d'écran.