De Clippy à Copilot: comment Microsoft peaufine ses IA depuis 40 ans

Microsoft et l’IA, c’est une histoire de longue date. Elle a même pris ses racines il y a plus de 40 ans. Nombreux sont ceux qui voient pourtant cette relation par le seul prisme de Copilot, l’outil à l’intelligence artificielle maison, et qui pensent que l’entreprise quinquagénaire n’y est arrivée que tardivement, dans les pas des autres OpenAI, Mistral ou Google avec Gemini.
Mais, à regarder de plus près nos usages, cela fait bien longtemps que l’intelligence artificielle s’est instillée dans les outils informatiques de l’entreprise, sous Windows, dans le jeu vidéo, les logiciels, les appareils, etc.
“On a l’impression que l’IA est sortie de nulle part. En réalité, Microsoft travaille dessus depuis des décennies. C’est un processus de construction, qui remonte à bien longtemps qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui”, avance à Tech&Co Eric Boyd, vice-président en charge de la plateforme IA chez Microsoft.
“Dès les années 1980 et 1990, nous avons réalisé des avancées majeures en matière d’IA. Microsoft est donc plutôt à l’avant-garde depuis des années”, martèle celui qui est arrivé il y a plus de 15 ans pour travailler initialement au sein de l’équipe Bing Ads, en charge du moteur de recherche.
“Ce que beaucoup ignorent sans doute, c’est qu’un moteur de recherche est impossible à faire sans IA. Tout repose sur l’IA, du classement des résultats de recherche à la pertinence des publicités qui apparaissent”, explique-t-il. “Une grande partie des bases posées par Microsoft en matière d’IA aujourd’hui provient de notre travail chez Bing.”
De Clippy à Copilot, des hauts et des bas en IA
Les modèles de vision, de compréhension de la reconnaissance vocale, les bases architecturales… beaucoup de choses se sont accélérées avec la création de Microsoft Research il y a plus de 25 ans, qui reposait lui-même sur les recherches précédentes. “Le monde s’est ouvert à l’IA avec l’apparition de ces nouveaux modèles il y a quelques années. Tout le monde s’est dit: “waouh, c’est un succès instantané”. Mais il a fallu des décennies pour le construire”, rappelle-t-il.
Poursuivre dans l’IA et promouvoir ses avancées semble donc “tout à fait naturel” du côté de Microsoft. L’IA trouve ses racines dans les années 1960, l’entreprise de Redmond a été créée en 1975 et a embrassé l’idée de sans cesse innover technologiquement dès sa naissance. Si les moteurs de recherche, chez Microsoft comme Google, ont été des “points de bascule”, l’introduction plus visuelle et fonctionnelle de l’IA au sein des services de la marque remonte sans doute à… Clippy. L’assistant en forme de trombone qui voulait vous aider sous Windows jadis.
“Clippy, ce n’est peut-être pas notre moment d’IA le plus fier”, s’amuse Eric Boyd, estimant qu’il a peut-être été “beaucoup trop précoce”, mais qu’il “symbolise le type de réflexion menée dès les années 90.”
Chez Microsoft, le besoin d’IA serait presque une philosophie finalement. De nombreuses avancées qui ont vu le jour sont nées de besoins internes, pour faciliter le travail, l’accessibilité, rendre plus productif ou même de l’IA de reconnaissance pour jouer comme avec Kinect à l’époque. “Nous nous efforçons toujours d’aider les autres à réussir et à être plus productifs. L’IA s’inscrit parfaitement dans cette démarche, car c’est un outil de productivité exceptionnel”, résume l’intéressé. “C’est notre vision de permettre à chacun, dans sa carrière, son emploi, sa vie personnelle de s’améliorer et mieux accomplir ses tâches.”
C’est aussi ce qui symbolise Copilot, présent partout et pour tout. “Vous êtes aux commandes”, clame Eric Boyd. “Vous êtes le pilote et c’est votre copilote pour tout comprendre, trouver des réponses plus rapidement, travailler plus efficacement. C’est ce que nous visons.” Et intégrer l’IA dans tous les produits de manière transparente a aussi trouvé du soutien avec l’ajout de la reconnaissance vocale.

“Beaucoup de choses sont devenues naturelles, sans qu’on y réfléchisse”, note Eric Boyd. “Ça nous semble acquis d’utiliser la voix pour envoyer un SMS en parlant à son téléphone et que cela se retranscrive à l’écrit. Mais c’est le fruit d’une IA peaufinée au fil des ans et discrète. Et on la voit se développer et progresser dans tous les produits”.
L’union avec OpenAI pour changer de dimension
Longtemps solitaire dans sa quête d’une IA utile et fonctionnant sans qu’on ne s’en aperçoive, Microsoft est tout de même allé chercher du soutien auprès d’OpenAI. En investissant déjà plus de 10 milliards de dollars (environ 9 milliards d’euros) dans la firme de Sam Altman et son modèle ChatGPT. Un tournant pour Microsoft et son approche qui a été un coup de boost, non sans quelques coups de gueule aussi du patron quand OpenAI voulait se lier avec d’autres.
“Nous avons fait pivoter l’entreprise d’une manière inédite", reconnaît Eric Boyd qui explique que Satya Nadella, le patron de l’entreprise, a été impressionné à l’époque par les modèles GPT d’OpenAI.
“Nous avons une vision commune avec OpenAI sur le potentiel des LLM”, résume-t-il. Un pari conjoint de construire aussi un supercalculateur (le 4e plus grand à l’époque) et un très grand modèle de langage qui a “dépassé toutes (leurs) attentes”. Un partenariat sous forme surtout de virage stratégique fondé sur la complémentarité aussi. Microsoft aurait-il pu tout faire seul? Sans doute, mais pas aussi efficacement ni rapidement.

Reste que l’IA du côté de Seattle ne veut pas être perçue comme “un effet d’annonce” pour être dans l’air du temps. Microsoft veut lui appliquer les mêmes exigences que pour toute création logicielle ou matérielle au coeur du campus: sécurité, respect de la vie privée et conformité aux réglementations. Une IA responsable que l’on tente de débarrasser de ses biais potentiels, car la confiance des utilisateurs reste primordiale pour progresser. “L’IA est un outil à double tranchant”, reconnaît Eric Boyd. “Mais elle sert aussi à détecter et contrer les cyberattaques. On utilise l’IA... pour se défendre contre l’IA”.
Transformer le quotidien en faisant oublier l’évolution pour qu’elle devienne un geste naturel: c’est ainsi que l’on perçoit l’attrait et l’intérêt de l’IA chez Microsoft. Une IA qui demeure néanmoins imprévisible dans ses progrès possibles et son avenir.
“Nous allons passer de ce monde où je m’attends à discuter avec un modèle à un monde où je veux qu’il accomplisse un travail pour moi”, prédit Eric Boyd. Mais la quête d’une IA parfaite n’est pas à l’ordre du jour. “On veut construire des outils qui sont capables de faire des choses incroyablement utiles et nous concentrer sur la façon dont elle va nous propulser à l’avenir”, conclut-il. En tout cas, un avenir plus productif avec plus d’aide que jamais, mais “en s’effaçant au quotidien”.