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L'emblématique patron d'Alibaba prend sa retraite, mais pas tout de suite

"Je ne pourrai jamais être aussi riche que Bill Gates, mais je peux prendre ma retraite plus tôt", dit Jack Ma.

"Je ne pourrai jamais être aussi riche que Bill Gates, mais je peux prendre ma retraite plus tôt", dit Jack Ma. - Alibaba

Jack Ma, très célèbre patron du géant chinois du e-commerce Alibaba va annoncer qui va lui succéder lundi mais pas prendre sa retraite dans la foulée, a précisé son groupe ce dimanche. La veille, dans un journal américain, Jack Ma affirmait pourtant qu'il partirait ce jour-là.

Jack Ma annoncera lundi le dispositif prévu pour sa succession à la tête d'Alibaba, mais le multimilliardaire chinois ne prendra pas immédiatement sa retraite du géant du commerce électronique, a fait savoir le groupe dimanche dans la presse.

Le quotidien hongkongais South China Morning Post (SCMP), propriété d'Alibaba, a démenti les informations publiées vendredi par le New York Times (NYT) selon lesquelles le charismatique Jack Ma, l'un des hommes les plus riches de Chine, abandonnerait lundi ses fonctions. Jack Ma dévoilera lundi, jour de ses 54 ans, "une stratégie de succession" mais restera président exécutif jusqu'à nouvel ordre, affirme le SCMP.

Jack Ma avait déjà cédé en 2013 la direction générale d'Alibaba. Il avait déclaré au NYT qu'il entendait désormais se consacrer à des projets philanthropiques dans l'éducation mais continuerait à conseiller le groupe. Les propos accordés au quotidien américain ont été "sortis de leur contexte et sont factuellement faux", a déclaré au SCMP un porte-parole du groupe.

Alibaba n'était pas joignable directement pour commenter ces informations. Eileen Murphy, porte-parole du NYT, a déclaré que le journal "maintenait" ses informations.

Dans cette interview, Jack Ma présisait que ce départ n'est pas la fin "mais le début d'une ère", a déclaré au quotidien américain l'homme le plus riche de Chine, qui a co-fondé en 1999 Alibaba, devenu un mastodonte technologique.

Annonce dans un journal censuré en Chine

Son groupe non seulement domine le commerce électronique en Chine, mais est également présent dans l'informatique en nuage ("cloud"), le cinéma et la finance, mélange -et concurrent- des colosses américains Amazon, eBay et Google. Également derrière le service de paiement électronique mobile Alipay, aujourd'hui omniprésent en Chine, Jack Ma a largement contribué à transformer la façon dont ses compatriotes font leurs achats et les payent. 

Ex-professeur d'anglais, véritable "self made-man" adulé par ses employés, Jack Ma est selon l'agence Bloomberg la 19ème fortune mondiale, avec un pactole évalué à 40 milliards de dollars. Vendredi, Alibaba pesait quelque 420 milliards de dollars de capitalisation boursière à Wall Street.

Le milliardaire annonçait sa retraite d'une façon singulière en s'adressant au New York Times, un quotidien bloqué par la censure sur l'internet chinois, et alors que lui-même possède le journal hongkongais South China Morning Post.

Une succession soigneusement préparée

Son départ prochain n'est pas vraiment une surprise: l'entrepreneur avait distillé ces derniers jours des indices laissant présager d'un départ prochain. Dans un entretien à Bloomberg TV diffusé jeudi, il indiquait ainsi vouloir suivre les pas du fondateur de Microsoft, Bill Gates, retiré des affaires pour devenir l'un des plus généreux philanthropes du globe.

"Je peux beaucoup apprendre de lui. Je ne pourrai jamais être aussi riche, mais je peux prendre ma retraite plus tôt. Bientôt, je retournerai à l'enseignement", avait-il glissé. À l'image du couple Gates, Jack Ma avait établi en 2014 une fondation à son nom, vouée à soutenir l'éducation des enfants dans les campagnes chinoises; il avait abordé ce sujet début septembre lors d'une conférence caritative.

Ce départ prématuré demeure exceptionnel dans les milieux d'affaires chinois, où la tradition de philanthropie reste neuve, et où les grands patrons tendent à rester longuement aux manettes, à l'image du magnat hongkongais de l'immobilier, retraité depuis mai... à 89 ans.

Mais Jack Ma a déjà soigneusement préparé sa succession depuis 2013, laissant son poste de directeur général à Jonathan Lu, puis Daniel Zhang. Lui-même restait président, chargé de la direction stratégique. Le contraste est flagrant avec son grand concurrent chinois dans l'e-commerce, JD.com -les récents déboires de son PDG Richard Liu, arrêté pour viol aux États-Unis, ayant montré la cruelle absence d'un numéro deux derrière lui.

La plus grosse entrée en Bourse de l'histoire

Le départ de Jack Ma "paraît un peu précipité", mais cela montre aussi "sa confiance" dans les autres dirigeants d'Alibaba, observe Jackson Wong, analyste du courtier Huarong International. "Pour autant, sa retraite affectera assurément l'image d'Alibaba, dont il était indissociable", un impact encore difficile à évaluer, indique-t-il.

Les médias chinois rappellent volontiers l'enfance défavorisée et les débuts modestes de Jack Ma, qui avait quitté l'enseignement pour créer en 1999 Alibaba depuis son appartement de Hangzhou (est), en empruntant 60.000 dollars à des amis. Rejeté à l'époque par des investisseurs américains, Jack Ma avait pris une revanche retentissante en réalisant en 2014 à Wall Street la plus grosse entrée en Bourse de l'histoire, levant 25 milliards de dollars.

Il laisse aujourd'hui un groupe diversifié de quelque 85.000 employés, au chiffre d'affaires annuel robuste de 40 milliards de dollars, et dont les plateformes d'e-commerce Taobao et Tmall contrôlent 60% du marché chinois. Alibaba mise sur son avance technologique dans l'intelligence artificielle pour mieux cibler les publicités et résister ainsi à la concurrence exacerbée de rivaux chinois en plein essor, de JD.com à Pingduoduo, une plateforme d'articles vendus à petit prix.

À côté d'une diversification tous azimuts: outre ses productions de films et sa plateforme vidéo Youku, Alibaba a racheté l'application de livraison de repas Ele.me et multiplie les passerelles avec des magasins en dur, tout en lançant ses propres supérettes hyper-connectées.

De son côté, l'application de paiement mobile Alipay, contrôlée par Jack Ma, doit affronter l'essor du système concurrent WeChat Pay développé par Tencent, autre géant local de l'internet, à l'heure où Pékin durcit fortement sa réglementation sur la finance en ligne.

N.G. avec AFP