Vers une fusion d'Intel et AMD? Ce qui bloque (et ce qui pourrait se débloquer)

Désormais première capitalisation boursière, Nvidia fait peur. Le succès de cette entreprise américaine omniprésente dans l'intelligence artificielle - elle fournit les puces pour la faire fonctionner - n'est sans doute pas étrangère à la très mauvaise santé de sa compatriote Intel.
Le géant des processeurs peut toujours se targuer d'être un acteur incontournable sur les PC portables, mais ses choix peu stratégiques de ces dernières années l'ont mené à la déroute, notamment face au taïwanais TSMC qui a réussi à faire mieux pour moins cher. Intel va se séparer de plus de 18.000 personnes et compte même réduire ses dépenses de plus de 25 milliards de dollars. Peu compétitif sur la finesse de gravure, en retard dans l'IA et de plus en plus contesté sur les processeurs pour ses performances en baisse, Intel n'a pas pris à temps un virage technologique et a préféré s'appuyer sur son statut de leader.
Pendant ce temps, l'autre géant des puces AMD a repris des couleurs, notamment grâce à l'intelligence artificielle, sans pour autant connaître le même succès commercial et financier que Nvidia.
De quoi mener à un mariage de raison entre AMD et Intel?
Car pour Intel, la coupe est pleine. L'entreprise a perdu 16,3 milliards de dollars rien que sur le dernier trimestre. Appelé à la rescousse, le Département du Commerce américain envisage donc toutes les possibilités, notamment celle d'une fusion avec AMD. Mais les intentions sont loin d'être aussi faciles à rendre réalisables puisque malgré les difficultés, Intel reste un géant des hautes technologies, et une fusion avec AMD pourrait créer un problème de concurrence.
Dans une Amérique au destin plus qu'incertain depuis la réélection de Donald Trump, il apparaît néanmoins que l'objectif serait surtout de redonner des couleurs au fondeur de Santa Clara pour qu'il puisse enfin lutter à armes égales avec TSMC, Nvidia et même Samsung.
Pour ce faire, selon le site d'information Semafor, le gouvernement pourrait s'appuyer sur le CHIPS Act, qui cherche à renforcer l'industrie des semi-conducteurs aux Etats-Unis, et donc de produire davantage localement des éléments essentiels présents dans l'ensemble des appareils que l'on utilise chaque jour: ordinateurs, smartphones, consoles...
Deux ans et demi après l'abandon du rachat d'ARM par Nvidia - en février 2022 - en raison "d'importants défis réglementaires", il paraît très peu probable qu'une fusion entre AMD et Intel soit validée. D'autant que, comme le relève le cabinet d'analystes Wedbush, Lina Khan, la puissante patronne de la FTC, le gendarme américain de la concurrence, veille au grain pour éviter tout problème d'anti-trust, et donc de destruction de concurrence.
Donald Trump en sauveur d'Intel?
Nommée par l'administration Biden, Lina Khan est devenue en quelques années l'un des pires ennemis des géants de la tech. En ces temps troubles avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il ne serait pas étonnant que les courbettes et ronds de jambes des grands patrons du secteur soient justement faits pour se débarrasser d'une personnalité gênante pour leur business.
Donald Trump pourrait d'ailleurs en profiter pour nommer un proche, comme ce fut le cas en 2018 avec Joseph Simons jusqu'en 2021. Durant son mandat, celui-ci avait justement accordé des fusions et des rachats sans trop se préoccuper des problèmes de concurrence qu'ils pourraient créer. Warner a ainsi pu s'allier librement avec Discovery en 2022.
Si du côté de Washington, on ne cache pas l'inquiétude entourant les difficultés d'Intel, officiellement, le Département du Commerce préfère parler d'une "vision globale" positive et se dit confiant pour que l'entreprise retrouve des couleurs. Mais dans l'ombre, les grandes manoeuvres commencent, et la future administration Trump pourrait avoir les coudées franches. Le nouveau président américain n'a jamais caché sa volonté de donner plus de pouvoirs aux entreprises et moins aux régulateurs.
Ironie de l'histoire, en 2009, alors qu'AMD enchaînait les mauvais résultats, on prêtait à Intel un désir de rachat. 15 ans plus tard, c'est désormais AMD qui est en position de force.
Contacté par Tech&Co, AMD nous indique "ne pas commenter les rumeurs".