OpenAI: Sam Altman de plus en plus seul à la tête de l'entreprise

Pour OpenAI, l'entreprise à l'origine de ChatGPT, les douze derniers mois resteront dans les annales de la société comme la période la plus mouvementée de sa jeune histoire. Alors que l'entreprise vient de dévoiler une nouvelle famille d'intelligences artificielles - un premier pas vers la superintelligence promise par Sam Altman - de nouveaux départs secouent l'entreprise.
Une vague de départs sans précédent
En effet, Mira Murati, directrice technologique d'OpenAI et souvent désignée comme le cerveau à l'origine de ChatGPT a annoncé ce 25 septembre quitter l'entreprise. "Après mûre réflexion, j’ai pris la décision difficile de quitter OpenAI", a-t-elle déclaré. "Il n’y a jamais eu de moment idéal pour s’éloigner d’un lieu que l’on chérit, mais ce moment est propice", explique-t-elle dans une lettre aux employés partagée sur son compte X, ex-Twitter.
Deux autres dirigeants d'OpenAI: Bob McGrew, directeur de la recherche chez OpenAI et Barret Zoph, vice-président de la formation post-entreprise, ont annoncé dans la foulée leur départ de la startup.
Les trois anciens dirigeants viennent ainsi gonfler la longue liste d'employés qui ont quitté la startup sur ces douze derniers mois. En mai dernier, Ilya Sutskever, un de ses cofondateurs, a quitté ses fonctions après dix ans passés au sein d’OpenAI. Jan Leike, ancien chercheur en chef de l’entreprise, et Gretchen Krueger, une des pontes de la société, ont aussi démissionné le même mois. Des 13 personnes qui ont contribué à fonder OpenAI en 2015, seules trois sont restées.
Malgré les signaux inquiétants qu'envoie cette vague de départ, Sam Altman se veut rassurant.
"Les changements de direction font partie de la vie des entreprises, en particulier celles qui se développent si rapidement et sont si exigeantes. Je ne prétends évidemment pas qu'il est naturel que ce départ (celui de Mira Murati, ndlr) soit si brutal, mais nous ne sommes pas une entreprise normale", observe-t-il sur X.
Mira Murati, Bob McGrew et Barret Zoph évoquent tous les trois des "raisons personnelles" pour justifier leur départ. "Ils ont pris ces décisions indépendamment l'un de l'autre et à l'amiable", précise ainsi Sam Altman sur X.
"C'est comme quitter la NASA avant d'atterrir sur la Lune"
Pourtant, le timing de ces départs interroge. "C'est un peu comme quitter la NASA quelques mois avant d'atterrir sur la lune", plaisante Benjamin De Kraker sur X (ex-Twitter), un ingénieur en Intelligence artificielle qui travaille sur le concurrent Grok. "Pourquoi des personnes-clés quitteraient-elles une entreprise juste avant de lancer l'AGI [la superintelligence promise par Sam Altman, ndlr]", se questionne-t-il.
En effet, la nouvelle arrive juste avant la conférence annuelle Dev Day de l'entreprise, qui se tiendra la semaine prochaine. Et surtout, ces départs interviennent juste après que des rumeurs aient fait état d'un projet de transition d'OpenAI d'association à but non lucratif vers une entité à but lucratif (une entité du groupe est déjà à but lucratif "limité"). OpenAI est également en pourparlers pour un nouveau tour d'investissement qui pourrait valoriser l'entreprise jusqu'à 150 milliards de dollars.
Si aucun lien ne peut être formellement établi entre ces différents événements, la situation rappelle étrangement l'incident Sam Altman qui avait fragilisé l'entreprise en 2023 et mis en lumière la fracture existentielle au sein d'OpenAI.
Pour rappel, le patron et cofondateur de l'entreprise avait été mis à la porte de son entreprise en novembre 2023. Le motif du départ tient en quelques mots: un manque de franchise dans sa communication. Mais ce qui cristallise les tensions en interne, c'est l'orientation à donner à l'entreprise.
Des débats éthiques qui cristallisent les tensions
Au sein d'OpenAI, deux équipes s'affrontaient. Celle qui défend l'objectif initial de la société, qui se voulait être un contre-pouvoir à Google disponible pour tous et à but non lucratif, et celle de Sam Altman, qui imagine OpenAI en société toute-puissante.
Et c'est Sam Altman, ex-patron du plus gros incubateur de startup au monde, qui va peu à peu insuffler sa vision. Pour attirer les investisseurs, il transformera donc OpenAI en une maison-mère d'une filiale à but lucratif "limité" et multipliera les offres commerciales pour ChatGPT. Pour certains cofondateurs, s'en est trop. C'est une renonciation des valeurs idéalistes de la société.
Pire, Sam Altman aurait "commencé à mentir" selon Helen Toner, qui faisait partie du Conseil d'administration qui l'avait démis de ses fonctions. L'entité reprochait au patron de "cacher des informations" et notamment le fait qu'il dirigerait secrètement OpenAI Startup Fund, un fonds de capital-risque qui investit dans des startup. La nouvelle star de la tech, décrite comme un menteur et un manipulateur par deux anciens dirigeants, n'aurait par exemple pas informé le Conseil d'administration de la sortie de ChatGPT en novembre 2022. Le Conseil l'aurait appris... sur Twitter.
Après le retour de Sam Altman, beaucoup d'employés avoir d'ailleurs pointé du doigt Mira Murati comme une des principales responsables du limogeage. Une affirmation réfutée par la principale intéressée, qui assume malgré tout une vision un peu différente de celle du grand patron.
Dans une interview pour Bloomberg il y a un an, elle estime notamment qu'il faut mettre des "freins et des contrepieds à l'IA". "Nous ne sommes qu'au début, et nous ne comprenons pas encore toutes les façons dont l'IA peut affecter les gens."
Fracture
Sam Altman était finalement revenu triomphant une semaine après son licenciement après que 90% des employés ont signé une lettre de solidarité en sa faveur et que Microsoft, l’un des plus gros investisseurs dans ChatGPT, a menacé de se retirer. Un soutien de taille, qui lui a permis de continuer ses projets de développement... en total désaccord avec certains dirigeants d'OpenAI.
Rapidement, il dissout "Superalignement", une équipe chargée d'estimer et d'anticiper les risques de l'IA à long terme. Les "putschistes" Gretchen Krueger, Ilya Sutskever et Jan Leike quittent tout à tour OpenAI pour des préoccupations sur les implications éthiques et sociétales des avancées de l'IA.
Une série d'incidents qui entérine la fracture indélébile au sein de la direction d'OpenAI et qui semble avoir des conséquences sur l'organisation de l'entreprise, plus d'un an après.