Fraude sociale: le Sénat veut expérimenter la surveillance automatisée des réseaux sociaux

En 2018, le préjudice de ces détournements d'allocations était estimé par la CAF à 304,6 millions d'euros, contre 291 millions d'euros l'année précédente. - PHILIPPE HUGUEN / AFP
Le Sénat dominé par l'opposition de droite a voté ce jeudi l'extension pour la fraude sociale d'une expérimentation lancée il y a un an visant à collecter des données sur les réseaux sociaux pour détecter des fraudes fiscales.
Le Sénat, qui examine en première lecture le projet de budget de la Sécurité sociale, a voté à main levée un amendement de la sénatrice centriste Nathalie Goulet, dont le gouvernement avait demandé le retrait.
Selon la sénatrice de l'Orne, "on ne prend pas la mesure de l'enjeu" de la fraude sociale - fraudes aux cotisations comme aux prestations. "C'est comme si vous jouiez au basket avec les règles du football", a-t-elle dit.
On a besoin d'intensifier la lutte contre la fraude sociale et on a besoin pour cela de recourir aux nouvelles technologies, notamment sur les réseaux sociaux", a appuyé Michel Canevet (centriste).
La Caisse d'allocations familiales (CAF) scrute déjà les réseaux sociaux pour repérer les éventuelles fraudes de ses allocataires. Cette vérification se fait néanmoins au cas par cas et n'a pas été automatisée. En juin dernier, une publication malencontreuse d'une allocataire sur Facebook avait permis à la CAF de repérer un écart entre sa situation réelle et la situation déclarée, et de mettre le doigt sur une fraude de près de 40.000 euros.
Déjà expérimenté pour la fraude fiscale
L'amendement vise ainsi à dupliquer pour la fraude sociale l'expérimentation mise en place par le projet de loi de finances pour 2020, pour trois ans, au sein de l'administration fiscale et des douanes. Celle-ci peut en effet collecter et exploiter les données librement accessibles sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques (par exemple Facebook, Le Bon Coin, Twitter, etc.).
Pour le secrétaire d'État Adrien Taquet, qui souhaitait le retrait de cet amendement, il ne s'agit pas "d'une opposition de principe, bien au contraire, de la part du gouvernement, à ce que nous disposions de tous les outils de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière", mais d'un "principe de réalité".
"Il faut juste bien avoir en tête que ce sont des dispositifs lourds à mettre en œuvre", a-t-il souligné, mettant en garde contre le fait qu'une extension immédiate à la fraude sociale "puisse ralentir l'expérimentation qui est en cours".
À gauche, Fabien Gay (CRCE à majorité communiste) a appelé à la lutte "contre l'ensemble des fraudes, en commençant par celles qui nous coûtent le plus cher". "On peut s'attaquer à la fraude au RSA, c'est vrai ça existe, c'est 800 millions d'euros, mais par exemple la fraude à l'impôt sur les sociétés, (c'est) 27 milliards d'euros", a-t-il ainsi souligné.