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"Je ne suis pas fier": ces dix fois où Mark Zuckerberg a dû s'excuser

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À l'approche des 20 ans du réseau social, Mark Zuckerberg s'est une nouvelle fois excusé devant le Congrès mercredi 31 janvier.

Des prémices de Facebook à la veille des 20 ans de la plateforme, l'histoire du premier réseau social d'ampleur est marquée par de nombreuses prises de paroles de son fondateur. À souvent les mots sont semblables et l'intention la même: demander pardon.

Au cours des deux dernières décennies, le patron de Facebook - depuis renommé Meta et regroupant Instagram et Whatsapp - a multiplié les excuses publiques, à diverses occasions. Voici dix fois où il a dû faire son mea culpa.

· 2003: les plus belles filles du campus

Les premières excuses datent de 2003. À l'époque, Facebook n'existe pas encore et son ébauche s'appelle encore Facemash. Le site affiche des photos d'étudiantes et les visiteurs sont invités à donner leur avis pour obtenir un classement des plus jolies filles du campus. Au bout de dix mois d'existence, le million d'utilisateurs est atteint. Un succès qui s'accompagne inévitablement de critiques.

"Je ne m'attendais pas à ce que les choses tournent ainsi et je m'excuse pour le mal qu'a pu causer ma négligence à l'égard de la croissance rapide du site et des conséquences qu'il pourrait avoir", avait déclaré Mark Zuckerberg, inaugurant le premier pardon d'une longue série.

· 2006: espionner ses amis en quelques clics

Une fois la véritable mouture de Facebook lancée, il faut attendre trois ans pour assister au premier écart de conduite. En 2006, le site introduit son mur, une nouvelle fonction pour obtenir, en un coup d'œil, un condensé d'informations sur ses amis: activités, centres d'intérêt, statut de relation. L'outil est fortement décrié pour ses potentielles utilisations dans le domaine du "stalking", sorte de traque numérique tournant à l'obsession et pouvant engendrer du harcèlement, rappelle Fast Company.

"Nous sommes d'accord, le 'stalking' n'est pas quelque chose de cool", avait reconnu Mark Zuckerberg dans un billet de blog intitulé "Calmez-vous. Respirez. Nous vous avons écouté".

Pour autant, le mur est resté et a fait le succès de Facebook.

· 2007: la première entaille à la vie privée

Dès l'année suivante, les critiques fusent à nouveau. Là encore, c'est une fonctionnalité introduite récemment qui met le feu aux poudres: "Beacon". Avec elle, il est possible à chacun d'aller éplucher les achats de ses amis réalisés sur des sites de e-commerce. En activant l'option par défaut, Facebook crée la première entaille dans la protection de la vie privée de ses utilisateurs. Surtout lorsqu'on après en 2017 - dix ans plus tard - que ces informations avaient été transmises à des annonceurs.

"Nous avons fait du mauvais travail en lançant (cette fonctionnalité) et je m'en excuse. Je ne suis pas fier de la façon dont nous avons géré cette situation et je sais que nous pouvons mieux faire", expliquait le fondateur de Facebook.

· 2011: les réprimandes du gendarme des télécoms

L'intrusion de Facebook dans la vie privée des internautes est l'un des fils conducteurs des nombreux pardons réclamés par Mark Zuckerberg. Ce qui poussera à considérer certains mea culpa davantage comme des opérations de communication plutôt que des regrets sincères.

En 2011, le gendarme des télécoms américain (FTC) se penche sur les pratiques de la plateforme. En ressort un accord juridique contraignant pour le réseau social. Désormais, il est obligé de réclamer explicitement l'accord des utilisateurs pour partager leurs données avec un opérateur tiers, rappelant les contours de la loi européenne sur les services numériques (DSA) adoptée 12 ans plus tard pour exploiter les informations privées de chacun.

"Je suis le premier à admettre que nous avons commis beaucoup d'erreurs", lance Mark Zuckerberg lors de la signature de l'accord avec la FTC.

· 2014: une étude psychologique à l'insu des utilisateurs

En juin 2014, une grande étude revient sur l'impact des réseaux sociaux, Facebook en tête, sur le moral de leurs utilisateurs. L'étude cherche à déterminer comment les publications vues provoquent une propagation des émotions: à savoir si des nouvelles négatives appellent des sentiments négatifs, et inversement.

Mais pour obtenir ces résultats, Facebook met à jour une manipulation de son algorithme. Ainsi, certains utilisateurs ont été confrontés à une majorité de publications à caractère positif, d'autres à des messages majoritairement négatifs. Au total, 700.000 utilisateurs ont vu leur fil modifié sans leur consentement.

"Je peux comprendre pourquoi certaines personnes sont inquiètes, et moi et mes co-auteurs sommes désolés de voir le trouble qu'a causé la description de cette étude", affirme le patron de la plateforme, assurant vouloir "améliorer le service et non embêter les gens".

· 2016: l'influence politique du réseau social

En 2016, Facebook devient une plateforme à très grande échelle. Avec son milliard et demi d'inscrits, les messages prennent parfois des tournures politiques, faisant du réseau social un lieu d'échanges et de débats. Mais en pleine campagne présidentielle - qui verra Donald Trump devenir président des États-Unis - les démocrates s'inquiètent du rôle ayant pu jouer, notamment par le relais de contre-vérités.

"Personnellement, je pense que l'idée que des fausses informations sur Facebook, qui ne représente qu'une toute petite partie des contenus, aient influencé l'élection d'une manière ou d'une autre est une idée assez folle", s'était défendu Mark Zuckerberg en novembre 2016.

Mais en septembre 2017, il était revenu sur sa déclaration. "Qualifier ceci de fou était dédaigneux et je le regrette. C'est une question trop importante pour être dédaigneux", avait-il estimé.

Surtout, la lanceuse d'alerte Frances Haugen fournira des documents au Wall Street Journal permettant la publication d'une série d'articles en septembre 2021. En ressort une modération à deux vitesses et surtout une mise en avant des contenus polémiques. Ces révélations avaient été mises en relation avec l'explosion des fausses informations durant les élections américaines de 2020, portant une nouvelle fois le doute sur la sincérité des prises de parole de Mark Zuckerberg.

· 2018: Cambridge Analytica, le grand pardon

2018 avait plutôt bien débuté pour Mark Zuckerberg. Il avait placé l'année sous le signe de la réparation de Facebook pour régler la prolifération de la haine en ligne et les problèmes d'addiction développés par des utilisateurs, en faisant même un challenge personnel. Mais ces plans ont rapidement été balayés.

En mars 2018, la plateforme s'engouffre dans le scandale Cambridge Analytica. Il révèle que Facebook a permis à cette société spécialisée dans le traitement des données d'exploiter les informations personnelles de plus de 87 millions d'utilisateurs. Cette affaire a mené Mark Zuckerberg à être auditionné par le Congrès américain, où il a dû faire ce qu'il maîtrise le mieux: s'excuser.

"Il est évident aujourd'hui que nous n'avons pas fait assez pour empêcher ces outils d'être utilisés de façon malintentionnée", avait-il déclaré. "Nous n'avons pas pris une mesure assez large de nos responsabilités et c'était une grosse erreur", qu'il avait prise à son compte.

· 2018: des excuses mondiales

En avril 2018, Facebook patine toujours dans le scandale Cambridge Analytica. Mais pour se rattraper auprès des utilisateurs et éviter une fuite des inscrits, Mark Zuckerberg se lance dans une séance d'excuses encore inédite. L'entreprise lance l'opération "Here Together", sorte de mea culpa ultime à travers une vidéo revenant sur les derniers faux pas de la plateforme.

"À partir de maintenant, Facebook fera plus pour assurer votre sécurité et protéger votre vie privée", promettait Mark Zuckerberg dans la vidéo.

Seulement cinq mois plus tard, une faille de sécurité affectant 50 millions de comptes est découverte. L'année suivante, une nouvelle fuite de données rend les numéros de téléphone de la moitié des utilisateurs de Facebook accessibles en ligne. Enfin, en 2022, des audits découlant du scandale Cambridge Analytica avaient montré que l'ampleur de la fuite de données avait été minimisée.

2019: de la publicité pour rester gratuit

Mark Zuckerberg souhaite débuter 2019 en tirant un trait sur les scandales. Une tribune parue dans Le Monde en janvier doit servir à tourner la page en clarifiant les besoins de Facebook de traiter et d'exploiter les données personnelles de ses utilisateurs. Il se repose sur des "imperfections" dans les outils de modération pour expliquer les dérives de la plateforme.

"Je suis convaincu que tout le monde doit pouvoir faire entendre sa voix et interagir. La meilleure façon d'y parvenir, c'est d'offrir un service gratuit, et c'est ce que permet la publicité", justifiait alors le fondateur de Facebook.

Là encore, les déclarations de Mark Zuckerberg entrent en conflit avec les récentes réglementations européennes (la fin d'année 2023 ayant été marquée par l'obligation de Facebook de recueillir clairement le consentement des utilisateurs européens pour leur adresser de la publicité ciblée). Voyant sa source de revenus principale mise à mal en Europe, un abonnement a été créé pour les utilisateurs souhaitant préserver leurs données. Mettant à mal la promesse de gratuité de l'application.

· 2024: la protection des plus jeunes

Les dernières excuses en date de Mark Zuckerberg ont été une nouvelle fois réalisées devant des sénateurs au Congrès américain. Ce mercredi 31 janvier, le patron de Meta figurait parmi les cinq dirigeants convoqués par la commission judiciaire du Sénat. La séance mettait les plateformes face à leur responsabilité dans le domaine de la protection des enfants en matière d'abus sexuels.

Au cours de l'audition, le sénateur républicain Lindsey Graham a violemment recadré le fondateur de Facebook. "Monsieur Zuckerberg, vous et les entreprises qui sont devant nous, je sais que vous ne le pensez pas, mais vous avez du sang sur les mains. Vous avez un produit qui tue des gens", a-t-il lancé.

"Je suis désolé pour tout ce que vous avez vécu", a déclaré Mark Zuckerberg, invité à se lever et à s'adresser au public présent au Congrès, composé principalement de familles de victimes.

Pierre Monnier