Espionnage: comment la France veut contrôler Huawei

Pour préserver la concurrence, l'innovation et la recherche, Bercy veut accorder à Huawei le bénéfice de la présomption d’innocence - AFP
Persona non grata dans plusieurs pays du monde, Huawei aura-t-il un traitement de faveur en France malgré les suspicions d’espionnage qui le vise? Oui et non. Selon une information des Echos, le gouvernement va tenter de gérer le dossier efficacement, rapidement, et sans heurter le groupe chinois et encore moins la Chine, ni se mettre à dos les Etats-Unis ou des pays européens comme l’Allemagne qui s’apprête à prendre des mesures. Un exercice d’acrobatie techno-diplomatico-économique.
Au lieu de se lancer dans une interdiction brutale, Bercy cherche une manière à la fois douce et ferme de gérer le cas Huawei. Et cela prend la forme d'un amendement, qualifié par Les Echos d'anti-Huawei, dans la loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) actuellement en discussion au Sénat.
L'Anssi prend la tête des opérations
L’amendement aurait été présenté le 16 janvier à Bercy lors d'une réunion qui rassemblait les opérateurs télécoms (Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom), la Direction générale des entreprises (DGE), l'Arcep (le régulateur des télécoms), la Fédération française des télécoms (FFT), mais aussi l'Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information) dont le pouvoir et les prérogatives seront étendues.
En effet, l’Anssi qui donne son approbation pour les équipements télécoms et les réseaux qui doivent être installés, notamment la 5G, aura le droit d’inspecter et de retirer un agrément pour toutes les infrastructures y compris celles déjà en place, donc les réseaux 3G et 4G. Si l'agence de sécurité constate la moindre anomalie pouvant affecter la sécurité des données, l’équipementier ne serait, a priori, plus autorisé à opérer sur le territoire. Huawei, qui réfute les accusations d'espionnage, sera donc mis face à ses responsabilités en cas de dérapage.
Lors du FIC (Forum international de cybersécurité) qui se tient à Lille, Guillaume Poupard, directeur général de l'Anssi a confirmé cette réflexion en en explique le but. Il s'agit de "durcir et de développer" ce système d'autorisation pour "être sûr de maîtriser l'ensemble d'un réseau 5G", a déclaré guillaume Poupard en précisant que ces mesures ne concernent pas uniquement les équipementiers chinois. Il ne faut pas rendre un avis "à l'emporte-pièce, sur la tête de l'équipementier, ou sur son pays d'origine [...] Il n'y pas de gentils équipementiers et de mauvais équipementiers, malheureusement la situation est beaucoup plus complexe".
Orange prend la défense de Huawei
Rappelons que l’équipementier chinois bénéficie déjà d’un traitement particulier. Les opérateurs ne peuvent par exemple pas utiliser ses équipements en Île-de-France pour préserver la sécurité du cœur administratif et économique du pays.
Cet amendement qui vise à laisser à Huawei le bénéfice de la présomption d’innocence, répond aussi à des attentes des opérateurs. En décembre, sur BFM Business, Stéphane Richard, patron d’Orange, donnait son point de vue: "Si on dit non à Huawei qui est le numéro un mondial, et non à ZTE qui est le 2ème grand chinois [du secteur des télécoms, NDLR], vous ne vous retrouvez plus qu’avec des européens [Nokia et Ericsson, NDLR]. Est-ce que c’est mieux pour les opérateurs que nous sommes? Franchement, je ne crois pas".
Huawei emploie un millier de salariés en France
Pour le dirigeant d’Orange, l’éviction pure et simple de Huawei poserait un problème de concurrence, nuirait à la productivité, à l’innovation et à la recherche. Une manière de rappeler qu'en France, Huawei dispose de quatre centres de R&D et compte en ouvrir un 5ème l'an prochain et emploie déjà un millier de personnes.
Mais aussi, que le chinois est l'un des plus avancés dans les technologies mobiles 5G. Il y a un an, Huawei annonçait le lancement de la commercialisation de son réseau et dévoilait avoir entamé des tests précommerciaux avec plus de 30 opérateurs de réseaux.
