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La police ou la gendarmerie peuvent-elles fouiller dans votre smartphone?

Un smartphone

Un smartphone - Unsplash/illustration

Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, propose de permettre aux autorités de "fouiller les téléphones" des personnes en situation irrégulière.

Un débat relancé? "Je veux qu'il y ait la possibilité de fouiller les téléphones," a indiqué, ce lundi, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, dans un entretien à LCI. S'il évoque les téléphones des personnes en situation irrégulière, cette possibilité est aujourd'hui très encadrée.

Dans les faits, en France, et comme l'explique l'avocat spécialiste de ces questions, Alexis Baudelin, "la fouille du téléphone portable lors d'une enquête pénale est assimilable à une perquisition". Mais elle doit d'abord passer par l'acceptation, par le suspect, de "l'exploitation de son téléphone", notamment en révélant son code de déverrouillage. Un juge indépendant peut également donner son autorisation pour l'exploitation des données.

Par ailleurs, lors d'une enquête en flagrance, la fouille est autorisée sans accord préalable.

Refuser de donner son code est par ailleurs considéré comme une infraction (article 435-15-2 du code pénal), mais l'officier de police judiciaire doit d'abord démontrer que le chiffrement du smartphone est actif et que seul le déverrouillage par le code permet d'accéder aux données.

La "fouille numérique" autorisée sous conditions

L'arrêt du 4 octobre 2024 de la Cour de justice de l'Union européenne a cependant établi que l'autorité judiciaire doit prouver qu'elle agit dans "l'intérêt général" lorsqu'elle souhaite procéder à une fouille en prouvant "le lien existant entre le propriétaire du téléphone portable et l'infraction pénale", mais également en démontrant la nécessité des données présentes dans l'appareil dans le cadre de l'enquête."

Parmi les données qui peuvent donner lieu à la fouille d'un smartphone, il y a la localisation, des photographies ou vidéo, l'historique de navigation, mais également les contenus des communications dont les messages conservés.

En revanche, l'autorité judiciaire ne doit pas être en mesure de récupérer des données "à caractère personnel" et relevant notamment de l'origine raciale ou ethnique, ainsi que les opinions politiques et religieuses.

Dans le cadre de la proposition de Bruno Retailleau, une telle fouille doit permettre de connaître "d'où viennent les ressortissants, les clandestins ou les étrangers en séjour irrégulier", par exemple en interceptant les messages envoyés par les passeurs en France comme à l'étranger.

Si chaque pays est libre d'imposer ses limites, la Cour de justice de l'Union européenne précise néanmoins que les autorités nationales doivent respecter "le principe de propotionnalité", d'où la nécessité d'un contrôle effectué par une juridiction indépendante, qui met à l'écart un procureur de la République (qui n'est donc pas considéré comme "indépendant").

Enfin, comme le rappelle la Cnil, la "perquisition numérique" ne peut être utilisée pour certaines professions sensibles, comme les avocats ou les parlementaires et doit se limiter "aux données informatiques".

Sylvain Trinel