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“C’est très difficile d’aller chercher des candidates": la tech reste encore un épouvantail pour les femmes

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Le milieu de la tech en France ne compte que 17% de femmes. Un chiffre bien trop bas pour beaucoup comme l'école Simplon qui se mobilise pour séduire et former les candidates aux métiers du numérique.

Les femmes et la Tech, ce n’est toujours pas le grand amour espéré. Et ce sont les chiffres qui le disent. Selon un rapport de Gender Scan, en 2022, on n’enregistrait que 17% de femmes dans les métiers du numérique en France. La French Tech 120 (regroupant les dirigeants des entreprises de la French Tech) compte seulement 15 femmes à des postes de responsabilité, dont seulement 7 sont des dirigeantes d’entreprise. Et une seule représentante parmi les patrons du Next 40.

Trouver des role models féminins pour la jeune génération est toujours compliqué. Que ce soit au lycée avec encore peu de filles dans les filières scientifiques, à la fac ou dans les écoles où le taux d’inscrites oscillent entre 10 et 20 % péniblement — avec un taux d’abandons encore élevé —, la France se retrouve avec peu de diplômées et de fait peu de femmes dans les différents métiers, notamment développeuses. Ajoutez à cela une image un peu sexiste et peu accueillante prêtée à la Tech, et l’on comprend mieux la désertification féminine. Mais les choses tendent à évoluer pour féminiser un peu plus le secteur.

Des associations et des opérations menées pour et par des femmes

Des formations et des associations féminines se multiplient pour les accompagner, parfois simplement aider les femmes à surmonter leurs peurs de se lancer ou bien les valoriser. C’est notamment le cas de Women TechEU, une initiative qui soutient les entreprises deep tech pilotées par des femmes à l’échelle européenne. Elles bénéficient alors d’un soutien financier, de mentorat, d’un accompagnement et d’une mise en réseau à l’échelle de l’Union européenne. Cette dernière a même décidé de tripler le budget accordé en 2023 (10 millions d’euros) pour accompagner 100 jeunes pousses (contre 50 la première année, dont quatre françaises distinguées).

En France, Elles Bougent veut susciter des vocations dans des métiers technologiques notamment, par le biais d’actions diverses. Elle organise des événements avec des jeunes filles dès le lycée pour les sensibiliser aux métiers du numérique, des hackatons ou encore des rencontres entre spécialistes, mais aussi pour toutes celles qui sont intéressées. Son objectif premier est de les rapprocher et de créer des réseaux d’entraide féminins.

Simplon joue la carte de la formation 100% féminine

“Quand on a lancé Simplon il y a près de 10 ans, on voulait avoir 50% de femmes dans nos formations, mais on n’y arrive pas. On est autour des 45% et plus on forme de gens, plus le taux baisse”, regrette auprès de Tech&Co Frédéric Bardeau, l’un des fondateurs de l’école solidaire spécialisée dans la formation professionnelle aux métiers du numérique.

“C’est très difficile d’aller chercher des candidates. Il faut aller les chercher avec les dents et leur expliquer qu’il y a plein de métiers différents, qu’elles n’ont pas à avoir le syndrome de l’imposteur.” Et il y a aussi souvent la peur de se retrouver face à un sujet qu’elle maîtrise moins ou pas du tout, entourées d’hommes plus aguerris, sans oser demander et avec la peur d’être jugées.

Alors Simplon a décidé de remédier à ces barrières en proposant, avec Apple, une formation 100% féminine au développement d’application iOS. En 2019, les deux partenaires s’étaient rapprochés pour donner vie au Apple Foundation Program, une formation mixte qui permet de se familiariser au code information, à l’élaboration d’un projet d’application, sa conception jusqu’au pitch devant un jury. Fin 2022, à Lyon, Simplon et Apple ont donc lancé la toute première session composée exclusivement de femmes de 16 à 47 ans. Leur point commun : elles étaient toutes en recherche d’emploi.

Seulement une fille sur trois encouragée à aller vers la Tech

Durant quatre semaines, ces femmes en décrochage scolaire, en reconversion professionnelle ou ancienne mère au foyer désireuse de retrouver un travail, se sont frottées à tous les aspects. Pas de timidité, pas de gêne pour poser des questions et comprendre, avions-nous pu constater lors d’une journée en immersion dans les locaux de Villeurbanne.

Cette promotion féminine a fait montre d’une entraide plus forte, de l’aveu même des participantes plus à l’aise entre elles pour oser demander.

“On sait que ce qui marche le mieux, c’est la non-mixité”, constate Frédéric Bardeau. “En 2015, on avait déjà organisé une formation réservée aux femmes pour devenir hackeuses et ça avait hyper bien marché. Les filles qui passent par ce sas continuent beaucoup plus dans des formations longues.”

Et de noter que ces femmes deviennent alors davantage leaders dans leur comportement. “On ne voulait pas se faire taxer de faire de la discrimination, mais force est de constater que ça marche et c’est vraiment empirique”, ajoute-t-il.

Même si la formation est totalement financée par Apple, il n’y a pas de travail à la clé. Mais, la confiance restaurée et la découverte d’un domaine appréciée, certaines se prennent au jeu et veulent poursuivre vers des formations plus longues, plus spécialisées et mixtes. Pour celles qui voudraient tenter l’aventure, Simplon et Apple ont d’ores et déjà prévu deux nouvelles sessions 100 % féminines: en juin à Toulouse et en octobre à Lille. Pour candidater, il suffit de se rapprocher de Simplon et de montrer sa motivation.

Seulement une jeune fille sur trois affirme avoir été encouragée par ses parents à s’orienter vers les métiers de la Tech quand les garçons sont plus de 60 % à répondre par l’affirmative. Un différentiel que les associations veulent aussi combler. Pour les lycéennes qui ont envie de mettre le pied à l’étrier de la Tech ou du jeu vidéo, en panne de femmes également avec seulement 22 % des effectifs dans les studios, l’association Women in Games a élaboré un filtre TikTok pour savoir quel métier serait fait pour vous. Une bonne initiative en pleine période d’inscription à Parcoursup.

Melinda Davan-Soulas