Face à l'attaque d'Apple, l'Union européenne précise qu'elle n'a "aucune intention" d'abroger les textes qui encadrent les géants de la tech

Après Youtube, qui a réinstauré les chaînes de désinformation sur la pandémie de COVID-19 et les élections américaines, et s'en est pris à la réglementation européenne, Apple a elle aussi ouvertement critiqué l'Union européenne et spécifiquement le DMA, son règlement sur les marchés numériques.
"Le DMA devrait être abrogé et remplacé par un texte législatif plus adapté", a réclamé le groupe basé à Cupertino, en Californie, dans sa contribution officielle à une consultation lancée par la Commission européenne.
Apple, premier contestataire du DMA
Depuis l'entrée en vigueur en mars 2024 du texte, Apple avait ainsi été contrainte d'ouvrir en grand les portes d'iOS, son système d'exploitation pour iPhone, notamment en proposant d'autres moyens de paiement et en laissant la possibilité d'installer des stores d'applications alternatifs. Des concessions que l'entreprise ne semble avoir toujours pas digéré.
A défaut d'une suppression, Apple propose une liste de changements en profondeur, à commencer par la création d'une agence de régulation distincte de la Commission européenne, qui serait chargée de faire respecter ces règles.
La réponse de l'Union européenne face à ces demandes ne s'est pas faite attendre, par la voix de Thomas Regnier, un porte-parole de la Commission, qui a déclaré à l'AFP que l'UE n'a "aucune intention" d'abroger le DMA.
"Nous ne sommes pas étonnés par l'argumentaire de lobbying d'Apple nous demandant d'abroger le DMA", parce que le groupe américain "n'a eu de cesse de contester le moindre bout du DMA depuis son entrée en vigueur", a-t-il souligné.
La prise de parole d'Apple, régulière sur le sujet, n'est pas surprenante, mais elle peut désormais compter sur un soutien de poids, Donald Trump. Le président américain a plusieurs fois menacé l'Union européenne de représailles après la mise en place des règlements stricts.
Accusant cette réglementation de tous les maux, Apple affirme qu'elle l'oblige à priver les consommateurs européens de certaines fonctions à leur sortie, le temps que ses ingénieurs s'assurent qu'elles respectent les contraintes imposées par Bruxelles. Elle serait donc loin de favoriser l'innovation au bénéfice des consommateurs, son but officiel.
Airpods bridés et moins "intelligents"
Le groupe assure par exemple avoir dû brider dans l'UE ses nouveaux modèles d'écouteurs sans-fil, les Airpods Pro 3, qui viennent juste d'être commercialisés, en retirant la fonction de traduction automatique "live", alors qu'elle constitue pourtant l'un des principaux attraits pour ses clients. Raison invoquée : le DMA.
Le groupe rappelle aussi son opposition à l'ouverture de ses appareils aux magasins d'applications et aux systèmes de paiement alternatifs, imposée par le DMA, alors même qu'ils "ne répondent pas aux mêmes normes élevées de confidentialité et de sécurité que l'App Store", sa propre boutique d'applications.
Et l'entreprise dirigée par Tim Cook rappelle aussi que le DMA a rendu des applications pornographiques accessibles sur les iPhones, "en dépit des risques qu'elles engendrent, en particulier pour les enfants".
Apple a construit son succès sur un écosystème fermé, dont il contrôle tous les paramètres, invoquant des impératifs de sécurité et le confort accru des utilisateurs - une philosophie en opposition frontale avec les règles européennes de concurrence qui ont été nettement renforcées avec le DMA (Digital Markets Act).
Ce texte emblématique adopté en 2022 par l'UE et qui s'applique concrètement depuis mars 2024, prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 10% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise, et même 20% en cas de récidive.
Apple en a déjà fait les frais: la Commission européenne lui a infligé en avril une amende de 500 millions d'euros pour des clauses abusives dans l'App Store. Cette sanction, dont le groupe a fait appel, était la toute première prononcée contre un géant de la tech dans le cadre de cette législation.
Apple fait aussi l'objet d'une enquête de l'UE dans le cadre de son autre législation phare pour réguler les géants de la tech, le règlement sur les services numériques (DSA), qui impose des obligations aux plateformes pour protéger leurs utilisateurs contre les contenus illégaux et dangereux.