"J’ai besoin d’une pause": comment la Gen Z en quête de déconnexion est devenue la meilleure alliée d’Amazon pour booster sa liseuse Kindle

Amazon Kindle - Amazon
Présence au Festival du livre de Paris, des influenceurs qui vantent sa dernière Kindle couleur matcha ou qui conseillent des titres à lire sur des liseuses électroniques, Amazon est sur tous les fronts de la lecture depuis plusieurs mois en France.
Voilà bientôt 18 ans que le géant américain a lancé son étrange appareil, qui fit un temps peur aux éditeurs de livres avant qu’ils n’y trouvent leur intérêt. Car Kindle, comme les autres liseuses concurrentes, est de plus en plus prisé des jeunes générations, alors que l’on disait la lecture en baisse chez les Français et les ventes de livres en berne.
La France, le pays où la croissance est la plus rapide
"La France est le pays qui connaît la plus forte croissance mondiale pour nos Kindle", nous confie Kevin Keith, responsable des produits chez Amazon. Et pourtant, la liseuse maison est loin d’être une inconnue dans l’Hexagone où elle se portait déjà bien ces dernières années. Mais sur un an, les représentants d'Amazon évoquent "une croissance à deux chiffres", dopée notamment par les dernières Kindle — Colorsoft, Paperwrite et d’entrée de gamme — dévoilées l’an dernier. Sur le marché mondial, la croissance est même de l’ordre de +25% des ventes sur un an en 2025.

Il faut dire que les faits plaident largement en faveur du géant du ecommerce. Selon une étude OpinionWay pour Kindle réalisée fin 2024, les 15-30 ans lisent en moyenne 17 livres par an et près de la moitié d’entre eux ont déjà utilisé une liseuse électronique (47%). Ce sont évidemment les réseaux sociaux qui ont redonné ce goût à la lecture aux plus jeunes avec notamment le phénomène Booktok sur Tiktok, ses recommandations littéraires et ses mots-clés comme #BooktokMadeMeBuyIt qui génèrent des conseils de lecture, ou encore les clubs de lecture virtuels.
"Un livre mis en avant sur #Booktok et c’est une multiplication des ventes immédiate", note David Naggar, en charge des contenus Books & Kindle. 91% des sondés reconnaissent ainsi qu’internet influence leurs choix d’ouvrage. Et cela a fait apparaître de nouveaux sous-genres comme la dark romance ou la romantasy devenues incontournables.
Une nouvelle façon de découvrir la lecture en s’appuyant sur la viralité des réseaux, la force de frappe des influenceurs qui ont remplacé les recommandations des libraires, le bouche-à-oreille et les émissions dédiées à la radio ou la télévision. À chaque époque sa façon de faire, mais, paradoxalement à l’ère de l’ultra-connexion, une même envie de se déconnecter du monde environnant et de se tenir éloigner du smartphone.
Cesser le 'doomscrolling' pour se retrouver
Alors qu’ils passent en moyenne près de 4 à 5 heures par jour sur des écrans, les jeunes "affichent une volonté de se déconnecter des réseaux pour retrouver un temps de lecture de qualité, sans être interrompus par des notifications ou emportés par le 'doomscrolling' (le défilement sans fin et sans but de l’écran, NDLR)," souligne David Naggar. "Ce que l’on observe chez la Gen Z, c’est un basculement très fort vers les appareils faits seulement pour la lecture ou l’écriture — ils disent : 'J’ai besoin d’une pause'."

Le côté "sans distraction" des liseuses semble trouver grâce aux yeux de cette génération surexposée. Si cela reste un écran (mais avec une technologie d’encre électronique moins agressive pour beaucoup de liseuses) contre un autre écran, c’est le geste et l'intention derrière qui changent. "Ils prennent conscience de leur besoin d’un espace loin des écrans, pour couper des notifications et des sollicitations à outrance afin de mieux se recentrer," ajoute-t-il.
La clientèle des Kindle ne cesse de s’élargir avec de nouveaux lecteurs attirés par l’aspect technologique du support. Mais ils ne sont pas seulement issus de la Gen Z. On trouve aussi d’anciens utilisateurs de l’application Kindle sur smartphone et tablette qui sautent le pas pour s’offrir un appareil dédié à la seule lecture, plus facile à transporter en vacances que sa cargaison de livres. Et une même raison: l’envie de se tenir éloigner du smartphone.
"Cela reflète ce phénomène global de recherche de déconnexion", souligne Kevin Keith. "Le retour au livre numérique ou papier est vécu comme une respiration, un moyen d’être dans sa bulle, loin du bruit social."
Un phénomène mondial dont profite Amazon qui sait aussi répondre aux exigences de cette jeunesse en matière de design et d’adaptation à ses propres codes. Ainsi, la couleur a fait une entrée en force sur la gamme de produits Kindle où l’on peut désormais investir dans une liseuse Paperwrite verte ou rose, une Kindle d’entrée qui démarre à 110 euros en vert matcha. Une couleur qui a fait fureur. "On avait misé sur 10% à 20% des ventes de liseuses Kindle comme d’habitude avec les modèles colorés. Et cela a représenté 50% des demandes", déclare Kevin Keith. "Au point de créer des ruptures de stock".
Mettre de la couleur dans sa vie littéraire
La couleur en force. Au niveau du boîtier comme un nouvel argument extérieur pour se démarquer. Au niveau de l’écran pour attirer de nouveaux lecteurs. À l’heure des mangas et BD, - dans une moindre mesure, des livres de voyage ou de cuisine -, l’attrait pour l’écran couleur va grandissant auprès des lecteurs. Et Amazon l’a bien compris. La Colorsoft permet de transporter facilement des milliers de mangas dans sa poche pour en profiter en couleur quand sa liseuse premium Scribe va s’offrir une version avec écran couleur pour lire, écrire et dessiner.
Du côté de Seattle, on veut croire que la couleur des produits et la personnalisation qui en découle (beaucoup collent des stickers au dos) jouent un rôle certain dans le boom des liseuses à travers le monde, sans trahir l’idée initiale du produit. "Notre boussole a toujours été de se rapprocher du papier magique", résume Kevin Keith. "Chaque génération d’appareil devient plus fine, plus légère, plus symétrique, mais toujours avec ce souci du confort de lecture et de l’absence de distraction."
Des arguments qui font mouche aux oreilles de cette génération née dans la technologie, mais en quête de déconnexion et de sens. "Beaucoup d’études, de recherches et de médias ont documenté la surcharge mentale causée par nos modes de vie numériques, notamment auprès des jeunes de 19 à 29 ans qui réalisent qu’ils ont besoin de souffler. On espère répondre à leurs attentes et apporter des solutions," conclut David Naggar.
Et cette rencontre de l’innovation, de la viralité sociale et de la quête d’un moment apaisé ne va aller qu’en grossissant. Amazon l’a déjà prévu et sait qu’il ne pourra satisfaire tout le monde avec ses nouveautés annoncées la semaine dernière à New York. Et, bien que marché porteur, la France devra notamment patienter jusqu’en 2026 avant de voir arriver la Scribe Colorsoft et ses fonctions IA. Un produit qui devrait pourtant répondre à toutes les attentes de sa cible tricolore. S'il faudra patienter un peu, c'est pour que la production puisse satisfaire la demande et l’appétit féroce des lecteurs pour ces appareils en vogue.