"Plus de clients, donc plus d'argent": avec la possible vente de SFR, faut-il craindre une flambée des prix des forfaits mobile et internet?

Feu vert pour la vente de SFR. Avec la décision, le 4 août, du tribunal des activités économiques de Paris d'approuver le plan de sauvegarde accélérée d'Altice France, et ce, sans aucune condition -faisant fi des réquisitions du parquet- la voie est désormais libre pour Patrick Drahi, actionnaire majoritaire du groupe. Le milliardaire franco-israélien va en effet pouvoir éponger sa dette avec en ligne de mire la revente à la découpe de son opérateur télécoms.
Si la direction du groupe -qui détenait jusqu'à l'été 2024 RMC et BFMTV- explique que ce n'est pas son intention, les rumeurs sont têtues: selon les informations de BFM Business, SFR fait l'objet "de nombreuses convoitises". "Un dossier de présentation circule depuis des mois dans les cercles financiers", affirme même Les Échos.
Une revente pour plus de 25 milliards d'euros
Alors qu'Altice France est lourdement endetté -de 24,1 milliards d'euros au dernier décompte- une revente de SFR pourrait lui rapporter plus de 25 milliards d'euros, selon les informations de BFM Business. Un montant historique, à l'image de ce qui pourrait se passer si la nouvelle se confirmait.
Pour la première fois depuis 2011, la France reviendrait à trois opérateurs nationaux (hors opérateurs virtuels). Lorsque Free s'était lancé dans la course en janvier 2012, les effets s'étaient fait sentir: Iliad, qui détient le trublion des télécoms, avait cassé les prix. Une bonne nouvelle pour les consommateurs, une moins bonne pour Orange, Bouygues et SFR qui avaient dû rogner leurs marges pour s'aligner et conserver certains clients tentés d'aller voir ailleurs.
La guerre des tarifs, à grand renfort de promotions, maintient de fait les prix des forfaits et offres à des niveaux relativement bas. Mais si SFR n'est plus dans la course "cela fait plus de clients et donc plus d'argent", souffle à Tech&Co une source au sein d'un opérateur.
Avec un opérateur de moins, le risque est donc de voir les prix bondir, de voir aussi beaucoup moins de promotions explosives. SFR s'en était fait une spécialité pour reconquérir ses clients sur le mobile. Si celui-ci quitte la scène, il faudra donc faire sans.
"On va partir sur un modèle un peu plus serein au niveau des prix mais je vois mal les prix augmenter sensiblement, il y aura juste moins de promotions", croit savoir un spécialiste du secteur.
Les consommateurs, les grands oubliés
Mais si la question d'une revente occupe tous les cercles financiers et le monde des télécoms, les grands oubliés restent les clients de SFR. C'est ce que regrette, Marie Amandine Stévenin, présidente d'UFC Que Choisir: "Quand elle est sainement exercée, la concurrence permet d'améliorer les offres et les prix. Passer de quatre à trois opérateurs n'est donc pas forcément une mauvaise nouvelle, ce qui compte, c'est qu'il y a une concurrence saine".
"Je compte sur l'autorité de la concurrence pour veiller à ce qu'il y ait des situations qui soient dans l'intérêt de la concurrence et des consommateurs," appelle-t-elle.
L'autre grand risque vient du transfert des abonnements. D'autant plus si chacun des trois autres opérateurs s'offre une part des clients de SFR, ceux-ci pourraient être ballotés vers une offre moins avantageuse.
Une donnée peu discutée, et pour cause: le client a, en cas de changement d'offre consécutif au rachat, droit de partir même s'il reste engagé, et ce, sans frais. "Il n'y a a priori pas de risque de rupture de service (les abonnés conserveront un réseau mobile et internet sans coupure, ndlr). Mais l'opérateur si qui rachètera des clients augmente ses tarifs, cela ouvre immédiatement droit et ce, quel que soit le type de contrat, à une résiliation possible", assure Amandine Stévenin.
"Ce sont les clients qui font vivre SFR"
Dans ce nuage de rumeurs entourant une possible cession des actifs d'Altice France, l'UFC-Que Choisir regrette par ailleurs le manque de clarté vis-à-vis des consommateurs: "Si la revente entraîne une modification du contrat ou de service, ils doivent être avertis, et pour toutes les modifications de l'essence du contrat, ça ouvre le droit à une résiliation unilatérale, et ce, même en cas d'engagement".
L'association de défense des consommateurs rappelle que même s'il s'agit de discussions essentiellement financières dans le dossier SFR, "il faut avoir une pensée pour les clients qui font vivre l'entreprise mine de rien".
Les souvenirs des rachats de Neuf par SFR ou d'Alice par Free, qui avaient fini par voir les tarifs alléchants de ces deux anciens opérateurs internet être effacés au fil des mois après de légères et ponctuelles augmentations, hantent encore tous les esprits.
Le gouvernement a de son côté rappelé être "attentif" vis-à-vis des salariés de SFR et des clients de l'opérateurs. Il ne bloquera toutefois pas un rachat, comme l'a confirmé le ministre de l'Industrie Marc Ferracci au micro de BFM Business.