Pourquoi le bannissement des réseaux sociaux pour les harceleurs sera difficile à appliquer

"Les personnes condamnées pour cyberharcèlement pourront être bannies des réseaux sociaux pour 6 mois. Cette peine sera portée à un an en cas de récidive". Ce 10 mai, Bruno Le Maire est revenu sur les mesures d’un projet de loi visant à "sécuriser" internet et porté par le ministre du numérique Jean-Noël Barrot. Parmi les mesures, l’interdiction de réseaux sociaux pour les harceleurs, qui seraient alors privés de compte Twitter, Facebook, TikTok ou Instagram.
Mais cette peine, qui devrait être prononcée par un juge, semble difficile à appliquer. En effet, plusieurs préalables sont indispensables pour priver un internaute de ses comptes sur les réseaux sociaux… à commencer par le fait de connaître l’existence de tous les profils créés.
“Quand on est jugé, on l’est sous sa véritable identité. Or il est possible de souscrire sous une autre identité que la sienne" rappelle Alexandre Archambault, avocat en droit du numérique, auprès de Tech&Co.
En cas de bannissement des réseaux sociaux, le juge devrait par ailleurs demander aux réseaux sociaux - tous basés à l’étranger - de bloquer toute tentative de connexion ou de création de compte. Mais sur quels critères techniques?
“Ça aurait pu fonctionner au temps du Minitel"
Auprès de Tech&Co, le ministère du Numérique évoque l’utilisation de "données techniques" pour identifier un individu, à commencer par son adresse IP.
“Ça n'est pas sérieux. Actuellement, le principal mode d’accès aux réseaux sociaux est le mobile. Le mobile, c’est une IP dynamique qui est partagée entre des centaines d’abonnés" tranche pour sa part Alexandre Archambault.
L’utilisation du numéro de téléphone pourrait quant à elle être bien limitée, de nombreux réseaux sociaux n’imposant pas de renseigner une telle information. Un bannissement sur la base d’une adresse mail serait tout aussi inefficace face à la facilité avec laquelle il est possible d’en générer une nouvelle.
“On peut se poser la question de l’étude réelle de la faisabilité des équipes qui ont pensé à de telles mesures. Ça aurait pu fonctionner au temps du Minitel. A l’heure d’internet, ce n’est plus le cas" juge Alexandre Archambault.
De façon plus pragmatique, cette mesure fait face à un risque plus élémentaire: le retoquage par la Commission européenne, en raison de la portée européenne de ses ambitions. Avec en exemple récent un avis pour le moins sévère rendu sur le tarif minimal de livraison du livre, poussant le gouvernement à revoir sa copie concernant cette mesure "anti-Amazon".