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Peut-on diffuser des photos et vidéos d'inconnus sur les réseaux sociaux?

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Sur Instagram, TikTok ou Twitter, il n’est pas rare de tomber sur une photo ou vidéo d’un inconnu prise à son insu. Une pratique courante mais pourtant bien interdite.

Une photo d’une personne prenant le métro avec un lézard sur la tête, d’une personne habillée de manière atypique ou encore une vidéo d’un enfant qui tombe dans un parc. Chaque jour sur les réseaux sociaux, de nombreuses photos ou vidéos d’illustres inconnus apparaissent dans les fils d’actualités des internautes. Si souvent la portée est minime et l’objectif humoristique ou anodin, ces procédés sont toutefois fortement encadrés par la loi, avec le droit à l’image comme point d’ancrage.

Tout part de l’article 9 du Code Civil, établi en 1970. Et il est sans équivoque: "Chacun a droit au respect de sa vie privée". Ainsi, que ce soit sur un réseau social ou dans la vraie vie, il est impossible de capter et publier une photo d’une personne, que l’on connaît ou pas, sans son consentement. Mais comme partout, il y a la théorie et la pratique.

Des exceptions infimes

Comme le rappelle Anthony Bem, avocat spécialiste du numérique, il faut distinguer deux types de clichés, selon que le contexte soit privé ou public: "Il est interdit de diffuser sans consentement des photos prises dans un cadre privé. Dans un lieu public, vous pouvez prendre une photo d’un attroupement (par exemple une manifestation, ndlr) et la publier tant que vous ne vous focalisez pas sur une personne en particulier" explique-t-il à Tech&Co.

Le droit à l’image a toutefois ses exceptions, relatives au droit à l’information, à la liberté d’expression et à la liberté artistique. L’accord n’est dans ce cas pas forcément nécessaire, tant que l’image n’est pas dégradante pour la personne et qu’elle n’est pas utilisée dans un but lucratif.

"On a un droit patrimonial sur son image. Il peut y avoir du préjudice moral voire commercial si son image est utilisée à des fins commerciales", précise Anthony Bem.

Les personnalités publiques peuvent également être affichées sur les réseaux sociaux, mais uniquement s’ils sont dans l’exercice de leurs fonctions et si la photo a un caractère informatif. En clair, si vous prenez en photo Jean Castex assis dans la ligne 12 du métro parisien alors qu’il se rend simplement au travail, cela peut relever d’une atteinte au droit à l’image.

"Pas de tolérance" pour son image

Le métro est d’ailleurs l’un des lieux favoris pour étudier l’espèce humaine, et parfois la prendre en photo ou vidéo. Certains comptes sur les réseaux sociaux se sont spécialisés dans le relai de moments loufoques ou inattendus dans les transports en commun. Si l’objectif n’est "avant tout que de faire sourire les gens" selon les mots d’un des créateurs interrogés par Tech&Co, la finalité n’en est pas changée selon Anthony Bem.

"Il est faux de croire que l’on peut, dans certains contextes, publier des photos d’autrui sans son consentement. Il faut le dire et le répéter: il n’y a pas de tolérance. L’humour n’est pas une tolérance", martèle l’avocat.

Certains comptes s’imposent toutefois des règles pour amoindrir cette illégalité: pas de publications d’enfants, de personnes en situation en détresse ou de nudité. Et si l’une des personnes mises en avant se reconnaît, la publication est supprimée immédiatement. "En sept ans d’existence de ce compte, cela a dû m’arriver moins d’une dizaine de fois", confie le créateur d’un compte publiant régulièrement des séquences enregistrées dans le métro, à Tech&Co.

S’il est aujourd’hui difficile de réguler ce qui est publié sur les réseaux sociaux, c’est aussi en raison des plateformes numériques, "qui vivent dans un paradis juridique impossible à réglementer" selon Anthony Bem.

"C’est aussi une question de positionnement politique. C’est possible techniquement de légiférer sur la question d’Internet mais on a des plateformes qui évoluent trop rapidement face à une justice toujours en retard", regrette l’avocat spécialisé.

Si votre image est utilisée sur les réseaux sociaux sans votre consentement:

1) Demandez à la personne à l’origine de la publication de retirer la photo ou vidéo

2) Si la personne décide de ne pas retirer l’image, il est possible de saisir un juge pour obtenir des dommages-intérêts.

3) Il est également possible de saisir la Cnil pour un dépôt de plainte en ligne concernant la protection de vos données personnelles.

4) Un recours au pénal est aussi envisageable, qu’importe la gravité du cas.

· "Photographier ou filmer une personne dans un lieu privé ou transmettre son image, sans son accord, est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende." (Article 226-8 du code pénal)

· "Publier la photo ou la vidéo sans l'accord de la personne est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende." (Article 226-1 du code pénal)

Julie Ragot