"Je ne faisais rien, juste scroller indéfiniment": ces jeunes ont arrêté les réseaux sociaux et ça a changé leur vie (mais tous y sont revenus)

"J'ai abandonné les réseaux sociaux pendant quatre ans. Et ça a totalement changé ma vie." Téléphone posé en face d'elle, Quynhxvan revient sur une des expériences les plus marquantes de sa vie pour ses plus de 19.000 abonnés sur Tiktok. Oui, c'est paradoxal.
"J'ai tout supprimé en 2021. Je suis devenue 'la vraie moi'. J'ai eu plus de temps pour les choses que j'aimais vraiment. Je n'étais pas influencée par les trends. J'étais beaucoup plus productive aussi. Ma vie a arrêté de disparaître derrière un scroll infini. Je construisais ma vie plutôt que de regarder celle des autres", détaille-t-elle. "La meilleure chose, c'est que j'ai arrêté de me comparer aux autres."
Une habitude à perdre
Quynhxvan est loin d'être une exception. Depuis plusieurs mois, les utilisateurs Gen Z (entre 15 et 30 ans) sont de plus en plus nombreux à se lancer dans une digital détox. Comprenez, une pause des réseaux sociaux, voire du smartphone. Selon l'Insee, en 2023, la moitié des internautes de 15 à 24 ans déclarent avoir tenté de limiter leur usage des écrans.
Et 2025 confirme la tendance. Le hashtag Digital détox cumule plus de 45.000 publications sur Tiktok. Même l'influenceuse Lena Situations s'y est mise. Fin novembre, la jeune femme a partagé, via une vidéo Youtube, son expérience "d'un mois sans écran" pour "reprendre le contrôle sur cette addiction".
Un exemple qui a motivé Lena (pas Situations, donc), 19 ans, a faire pareil. "C'est une des créatrices que je suis le plus", admet la jeune fille qui précise s'être rendue compte, grâce à la vidéo, qu'elle passait "trop de temps sur (son) téléphone". En moyenne, elle restait 8h30 par jour sur son smartphone.
"Alors j'ai désinstallé Instagram, Snapchat et même Tiktok", liste-t-elle. " Ça paraît ridicule, mais pour quelqu'un qui passe plus de 4 heures par jour sur les réseaux, c'est énorme."
Au début, Lena a eu du mal. "Je m'ennuyais. Quand je me maquillais, que j'étais aux toilettes ou dans les transports, c'était vraiment dur. J'avais vraiment pris le réflexe de sortir mon téléphone à la moindre occasion", admet l'étudiante. Mais petit à petit, elle s'habitue. "Au final, ça m'a fait un bien fou! J'ai enfin lu ma pile de livres qui traînait depuis une éternité", s'exclame-t-elle. "Mes parents étaient ravis de me voir sortir de ma chambre", sourit l'étudiante en mode.
S'éloigner des injonctions d'Instagram
Comme Lena, certains font un choix radical et coupe toutes les plateformes, pendant un ou plusieurs mois. "Au début, j'avais vraiment peur de manquer des trucs, et de ne plus connaître les sujets de discussion 'à la mode' avec mes potes", reconnaît Arthur, 17 ans. Cette peur qu'a le lycéen a un nom: la FOMO (Fear Of Missing Out), soit la peur de rater quelque chose.
Le déclic arrive quand, pour rigoler, il compare son temps d'écran avec ses amis. Là, le couperet tombe: 9 heures par jour, dont 5 heures sur les réseaux sociaux. "Alors, je me suis fait violence et je me suis lancé un défi: supprimer toutes mes applications pendant un mois."
Car la majorité des internautes sont conscients de passer trop de temps sur leur smartphone. Selon la cinquième édition du Référentiel des usages numériques, publiée par l'Arcep et l'Arcom lundi 7 juillet, près de la moitié des Français estime passer trop de temps devant les écrans. Les jeunes sont d'ailleurs plus enclins à le reconnaître: 34% des 12-17 ans et 37% des 18-24 ans passant plus de trois heures par jour sur les écrans jugent ce temps excessif.
"C'était dur les premiers jours. J'avais ce réflexe très mécanique de chercher dans ma poche mon téléphone dans le métro ou aux toilettes pour regarder Tiktok. Mais au final, ça m’a fait du bien de souffler un peu et surtout de dormir", s'esclaffe Arthur.
"Avant je pouvais rester des heures sur mon téléphone avant de me coucher. Je ne regardais rien en particulier, je scrollais juste indéfiniment." Sa pause numérique lui a permis de retrouver son rythme de sommeil. "Mes amis m'ont dit que j'étais beaucoup plus agréable le matin", sourit-il.
Marie, 21 ans, elle aussi, a fait le choix de tout couper. "Sur les réseaux sociaux, je tombais toujours sur des vidéos ou des photos d'influenceuse aux corps parfaits. Même si je sais que c'est souvent inatteignable, et que ces photos sont modifiées, j'avais du mal à ne pas me comparer et à ne pas culpabiliser de ne pas avoir la même vie", se remémore-t-elle.
Sport, crochet et révisions
Excédée de toute cette pression, la jeune femme a entamé une détox numérique depuis trois mois. Elle supprime toutes ses applications et désactive les notifications. Marie passe alors de 7 heures d'écran par jour, à 2 heures. "Ça m'a fait vraiment du bien de m'éloigner de toutes ces injonctions (...) Je me suis sentie un peu mieux, j'ai moins l'impression de devoir coller à des standards de beauté ou de devoir acheter tel ou tel article soit disant à la mode."
Si certains font des choix radicaux, d'autres préfèrent limiter progressivement les réseaux sociaux.
"Mon rapport aux réseaux est très paradoxal. D'un côté, je stresse quand je reçois des dizaines de notifications car je n'ai pas le temps d'y répondre. Mais de l'autre, quand je n'en reçois pas je suis en manque", analyse Théophile, 25 ans.
Alors, "j'ai préféré couper graduellement", se confie-t-il. Depuis trois semaines, le chimiste tente de dire au revoir aux réseaux. "Au début, j'ai limité les réseaux à une heure par jour. Maintenant, je les utilise uniquement le week-end." Et les résultats se sont rapidement faits sentir.
"J'ai remarqué que j'étais plus impliqué dans les conversations avec mes amis ou même quand je regardais une série", avoue-t-il, lui qui avait tendance "à sortir son téléphone pour scroller" en toutes circonstances. "À cause des réseaux, je loupais plein de détails dans l'intrigue des films ou au sujet de mes amis."
Toutes les personnes interrogées sont unanimes: leur "digital détox" leur a permis de se dégager énormément de temps. "Je me suis découverte une passion pour le crochet", confie Nathalie, 29 ans. "J'avais toujours voulu essayer. Alors, quand j'ai coupé les réseaux, je me suis dit que c'était l'occasion de me lancer."
Même constat pour Louise, 23 ans. La jeune femme est passée de 9 heures d'écran par jour, à 2 heures. Résultat des courses: "Je lis plus et surtout, je sors beaucoup plus. Je me suis mise à la course avec une amie. Bref, je revis", sourit l'étudiante en médecine. Mieux, ses notes se sont améliorées. "Je me suis rendue compte que j'étais très distraite avec mon téléphone. Dès qu'on m'envoyait un messages sur Instagram ou que je voyais une notification, je me sentais obligée de répondre immédiatement, même en pleine séance de révisions. Aujourd'hui, je suis beaucoup plus concentrée et efficace."
"C'est presque devenu obligatoire"
Si cette pause loin des likes, commentaires et autres algorithmes addictifs a soulagé ceux qui l'ont essayé, tous ont fini par réinstaller leurs applications. "Ça reste difficile de couper totalement les réseaux", observe Julien, 25 ans. "Rien que pour le travail ou pour rester en contact avec certaines personnes, c'est presque devenu obligatoire."
"Même si ça m'a fait du bien, les réseaux m'ont vraiment manqué", admet Nathalie. "J'ai appris beaucoup de recettes grâce à Tiktok. Et j'adore les vidéos d'anecdotes ou d'horreur, ça me détend." C'est également le cas pour Lena. Après six mois sans aucune plateforme, la jeune femme a fini par réinstaller Instagram. Mais cette fois-ci, pas question de répéter ses erreurs du passé. "Maintenant, je me suis imposée une limite de 30 minutes par jour. Juste histoire de regarder quelques stories d'amies", précise-t-elle. Marie, elle, a fait du tri dans ses abonnements.
"J'ai enlevé tous les influenceurs pour garder uniquement mes amis ou des artistes que j'aime. Maintenant, aller sur Insta, c'est beaucoup moins anxiogène", souligne-t-elle.
En revanche, hors de question de réinstaller Tiktok. "J'ai tenté d'y retourner en mettant une limite de temps. Mais je passe quand même des heures à scroller indéfiniment. Donc même si certaines vidéos me manquent, comme les tutoriels ou les critiques de cinéma, c'est mieux comme ça."