Cyberharcèlement contre Magali Berdah: que risque X (Twitter), désormais visé par une enquête pénale?

Twitter (X) pourrait-il être condamné pour ne pas avoir empêché le rappeur Booba de viser l'agente d'influenceurs Magali Berdah, dans de multiples messages? Ce 4 décembre, le parquet de Paris confirme à BFMTV avoir reçu une plainte avec constitution de partie civile en novembre 2023, donnant lieu à l'ouverture d'une information judiciaire. Une plainte au pénal, émanant des avocats de Magali Berdah.
Dans le document, que BFMTV a pu consulter, X est poursuivi pour complicité de harcèlement moral aggravé pour avoir refusé de suspendre le compte de Booba "malgré les démarches engagées en ce sens par Madame Berdah et les multiples signalements adressés". Durant de longs mois, le rappeur s'est à multiples reprises attaqué publiquement à Magali Berdah en l'associant à pratiques illicites émanant de certains influenceurs.
Sur la même période, Magali Berdah a ainsi reçu de nombreux messages menaçants ou insultants, aboutissant début 2024 à la condamnation de 28 personnes. De son côté, Booba a été placé sous contrôle judiciaire.
Malgré la passivité de Twitter face aux attaques répétées de Booba, la plateforme pourrait-elle être condamnée au pénal? Si une telle issue n'est pas à exclure, la jurisprudence ne plaide pas en sa faveur. En 2023, Twitter a ainsi été relaxé par le tribunal judiciaire de Paris, alors que la plateforme était poursuivie pour "complicité d'injures", là encore en raison de sa passivité face à une campagne de cyberharcèlement visant des victimes des attentats de novembre 2015.
Jurisprudence favorable à Twitter
"Pour Twitter, le risque n'est pas nul, mais il est faible. Au regard de la jurisprudence, il paraît peu probable qu'une plateforme soit condamnée au pénal, notamment pour une complicité de cyberharcèlement" estime Alexandre Archambault, avocat spécialisé en numérique, auprès de BFMTV.
Pour l'heure, aucune plateforme n'a en effet été condamnée au pénal pour de telles accusations. "On veut faire évoluer la jurisprudence" espèrent de leur côté les avocats de Magali Berdah, Rachel-Flore Pardo et Antonin Gravelin-Rodriguez, auprès de BFMTV.
Le dossier est d'autant plus complexe que X (Twitter) n'est pas basé en France, mais en Irlande. En tant que grande plateforme en ligne, la plateforme est régulée au niveau européen, dans le cadre du DSA. Ce qui rend les initiatives franco-françaises bien incertaines.
"La marge de manœuvre au niveau national est très réduite, du moins au pénal. Dans ce type de dossiers, il peut être pertinent de passer par une procédure civile, notamment pour obtenir réparation" résume ainsi Alexandre Archambault.
"Malgré la multiplication des messages de Booba à l'encontre de Magali Berdah, Booba n'a à ce jour pas été condamné pour cyberharcèlement. Hors une plateforme n'est pas là pour se substituer au juge. Retenir la responsabilité de la plateforme dans ce cadre semble hasardeux" ajoute-t-il.
La procédure à l'encontre de Twitter n'est pas sans rappeler celle qui vise Telegram, et qui a mené à l'arrestation de son fondateur Pavel Durov. Comme Twitter, Telegram est accusé de complicité de crimes et délits, par exemple liés à la pédocriminalité ou au trafic de stupéfiants.
Pour tenter de faire condamner la messagerie, la justice française a malgré tout ajouté une accusation supplémentaire de "complicité d'administration d'une plateforme en ligne pour permettre une transaction illicite en bande organisée", plus à même d'être retenue par les juges pour faire condamner une personne morale.