"Comme une machine à sous": les réseaux sociaux peuvent-ils vraiment provoquer des addictions?

Ne pas traiter l'aspect addictif de ses réseaux sociaux. Voilà ce que reprochent plus de 40 États américains au groupe Meta. Ils ont donc signé une plainte déposée en Californie mardi 24 octobre. Mais ces accusations d'impact sur la santé mentale se vérifient-elles scientifiquement?
Selon les experts, les contenus des réseaux sociaux jouent sur les impulsions et les connexions neurologiques. C'est pour cette raison qu'il est difficile de se détourner des flux proposés par les applications, note le New York Times.
Pour le psychologue David Greenfield, fondateur du Centre de l'addiction à internet et à la technologie de West Hartford (Connecticut), les plateformes utilisent des techniques puissantes pour retenir l'attention de leurs utilisateurs. L'une d'entre elles consiste à instaurer l'idée qu'une récompense peut se déclencher à tout moment.
Pas en mesure de résister
"C'est comme une machine à sous", résume David Greenfield au journal américain.
Mais si les adultes sont vulnérables à cette mécanique, elle pourrait s'avérer dangereuse chez les plus jeunes. Le psychologue indique qu'ils ne sont pas en mesure de résister aussi bien que les personnes plus âgées à ces effets de tentation et de récompense. Tout simplement car la région du cerveau impliquée n'est pas aussi développée chez les enfants ou les adolescents.
"Ils ne pensent qu'à l'impulsion et pas beaucoup au contrôle de cette impulsion", explique-t-il au sujet des plus jeunes consommateurs de réseaux sociaux.
"Chez les adolescents qui ont un usage problématique des réseaux sociaux, on retrouve plus fréquemment des jeunes souffrant d’un syndrome dépressif, d’anxiété, d’un problème d’image ou d’estime de soi. La question qui se pose est donc : est-ce que le fonctionnement de ces réseaux amplifie leurs difficultés?" se demande de son côté Séverine Erhel, maître de conférences en psychologie cognitive à Rennes II, dans l'Express.
"Utilisation problèmatique des réseaux"
Pour autant, peut-on parler d'addiction? Longtemps, le terme a été réservé aux comportements liés à la prise de substances. En 2013, le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, ouvrage de référence dans le domaine, a introduit la notion de dépendance aux jeux en ligne. Mais il indiquait qu'il fallait davantage d'études pour déclarer ce comportement comme une addiction. Même son de cloche pour une étude de janvier 2021.
D'ailleurs, le docteur Michael Rich, directeur du laboratoire du bien-être numérique à l'hôpital pour enfant de Boston, déconseille de parler d'addiction. "Je préfère l'expression 'utilisation problématique des réseaux sur internet'", assure-t-il.
Le psychologue David Greenfield constate également que certains jeunes consommateurs "ne peuvent pas s'en passer", avec des impacts sur l'école, le sommeil ou l'hygiène de vie.
"En 2023, les données indiquaient que 3,8 % de la population française avait un usage problématique des réseaux sociaux" rappelle Séverine Erhel. Une problématique qui pourrait donc concerner environ 1,5 million d'utilisateurs français.
"Internet est une gigantesque cathéter, et le contenu, y compris les réseaux sociaux comme Meta, sont les médicaments psychoactifs", compare ainsi David Greenfield, allant dans le même sans que Séverine Erhel, qui considère de son côté "qu'il ne faut pas tomber dans une forme de déterminisme selon lequel la machine ou la technologie ferait l’addiction".