Face à la prolifération d'"armes fantômes", un site d'impression 3D interdit les modèles d'armes à feu

Bientôt la fin des pistolets faits maison? Selon le média britannique The Register, Thingiverse, plateforme proposant des modèles 3D imprimables la plus populaire, a banni les modèles d'armes à feu, à la demande du procureur du district de Manhattan.
Une décision qui répond à l'émergence des "armes fantômes" (ou "ghost gun"), des armes à feu créées en partie ou de toute pièce avec une imprimante 3D. La dénomination "fantôme" vient du fait que ces armes n'aient aucun numéro de série, malgré leur caractère létal. Elles sont donc intraçables et à la portée de (presque) tous les propriétaires d'imprimante 3D.
De "Liberator" à une prolifération
"Liberator", c'est le nom du premier pistolet presqu'intégralement imprimé en 3D, démocratisé en 2013. Cinq jours après la publication des plans de l'arme sur Internet, ce sont près de 100.000 personnes qui les ont téléchargés. Si aux balbutiements de l'impression 3D, il était tentant d'expérimenter les limites des objets imprimés, aujourd'hui de telles armes se perfectionnent et peuvent représenter une véritable menace.
Aujourd'hui, on les retrouve principalement sous 3 formes différentes:
- Les armes entièrement conçues à l'aide d'imprimante 3D, qui ne peuvent tirer généralement qu'un coup et sont sujettes à un risque d'explosion dans les doigts de l'utilisateur ;
- Les armes hybrides, en partie conçues à l'aide d'imprimante 3D, mais qui contiennent aussi certaines pièces métalliques, facilement trouvables en magasins traditionnels ;
- Les armes "Parts Kits Completion", en partie conçues à l'aide d'imprimante 3D, mais qui contiennent aussi certaines pièces d'armes classiques, ce sont les plus fiables donc les plus dangereuses.
Depuis une décennie, on assiste à une prolifération. 45.240 armes à feu faites maison (dont beaucoup ont été produites par des imprimantes 3D) ont été signalées entre 2016 et 2021 aux États-Unis, selon le ministère de la justice américain. Entre 2020 et 2024, le nombre de pistolets imprimés, saisies par la police new-yorkaise, a même triplé (passant de 150 à 450), selon ABCnews.
En ce sens, le gouvernement américain, encore sous Joe Biden, avait mis en place une règlementation sur l'impression 3D d'arme à feu: chaque pièce détachée doit comporter un numéro de série. La mesure reste néanmoins difficilement efficace, notamment tant que l'arme n'est pas contrôlée. En décembre 2024, Luigi Mangione avait utilisé un pistolet fantôme pour abattre Brian Thompson, l'ancien directeur d'Unitedhealthcare.
Thingiverse montre l'exemple
Dans un communiqué, Thingiverse explique ne pas vouloir devenir "une alternative permettant aux particuliers de contourner les lois sur les armes à feu". Le site a donc fait le grand ménage. Il ne propose plus aucun modèle 3D imprimable "d'armes à feu entières", "de pièces d'armes à feu" ou "d'accessoires qui augmentent la létalité/efficacité" d'une arme.
Thingiverse a annoncé vouloir modérer cette restriction à l'aide "d'une combinaison d'outils automatisés basés sur l'IA et d'une révision humaine". Ne restent désormais sur le site que quelques pistolets à élastique ou des répliques non-fonctionnelles.
"Nous renforçons notre interdiction de longue date concernant le partage de modèles d'armes à feu fonctionnelles, de pièces d'armes à feu essentielles ou d'accessoires qui augmentent la létalité, tout en continuant d'accepter les accessoires de cosplay, les modèles d'airsoft et les répliques de jouets", a déclaré Rob Veldkamp, vice-président de Thingiverse, dans un communiqué transmis à The Register.
De plus, sans manuel d'utilisation détaillé, de telles armes pourraient se révéler dangereuses pour l'usager. À l'image du Liberator, un pistolet imprimé entièrement en plastique, qui présente un fort risque d'explosion.
La mesure empêche-t-elle tout particulier de se construire un pistolet? En tout cas les alternatives existent sur Internet. Alvin Bragg, le procureur du district de Manhattan à l'origine de l'accord avec Thingiverse, a fait de l'interdiction des modèles d'armes son combat. L'Américain a écrit à plusieurs entreprises d'impression 3D avec l'intention de bannir les armes dans les structures grand public.
Une diffusion qui touche la France
Bien que le phénomène ait explosé d'abord aux États-Unis, il s'exporte peu à peu en France. En février 2024, un réseau de fabricants d'armes conçues à l'aide d'imprimantes 3D a été démantelé dans le Var. Quatorze personnes entre 18 et 35 ans ont construit un marché de conception et de revente à travers la France et la Belgique. Ils commercialisaient leurs armes entre 1.000 et 1.500 euros l'unité, soit 4 fois moins cher que des armes classiques sur le dark Web.
"Elles sont surtout très faciles d'accès et elles ne sont pas chères. On risque de mettre dans les mains de personnes très jeunes des armes qui sont en mesure de tirer des munitions réelles et donc tuer", avait expliqué Antoine Museau, adjudant-chef, expert en balistique à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.
Le phénomène va jusqu'à s'ubériser sur certaines plateformes de revente. Des armes imprimées ont été découvertes en vente en kit sur Vinted par des gendarmes français.