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Données personnelles

SMS de Mélenchon et Maréchal: comment les partis politiques accèdent à votre numéro de téléphone

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A quelques heures des élections européennes, des millions de Français ont reçu un SMS de Marion Maréchal et Manon Aubry. Auprès de Tech&Co, le prestataire des deux candidates explique le fonctionnement de ces opérations.

Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les internautes à avoir été interpellés par la réception de messages à caractère politique, ce 6 juin. Notamment par deux candidates: Manon Aubry (associé au nom de Jean-Luc Mélenchon) et Marion Maréchal. Dans les deux cas, il s'agit d'un SMS reçu sur son smartphone, invitant les destinataires à voter pour la candidate ce dimanche 9 juin à l'occasion des élections européennes.

Face à ces messages parfois perçus comme intrusifs, la question de l'accès à une donnée personnelle sensible, son numéro de téléphone, revient rapidement. Auprès de Tech&Co, les équipes Reconquête et LFI renvoient vers un même prestataire, l'entreprise française Selfcontact. Contactée, cette dernière revient auprès de Tech&Co sur le fonctionnement de ces campagnes par SMS, qui sont devenues une étape récurrente des stratégies électorales.

Age, sexe, vote, revenu

"Nous proposons aux candidats d'envoyer des SMS ou des messages vocaux à des numéros de téléphone qui sont liés à des bureaux de vote" explique Laurent Delwalle, patron de Selfcontact, à Tech&Co.

Le dirigeant, dont l'entreprise est spécialisée dans la propagande électorale numérique depuis une quinzaine d'années, précise que les critères utilisés pour l'envoi de SMS sont plutôt basiques: sexe, âge et adresse.

Mais l'adresse permet, pour les candidats, d'en tirer deux estimations: le vote et le revenu. Pour cela, les équipes de campagne peuvent ainsi demander à Selfcontact d'envoyer un SMS à des habitants d'une commune ayant fortement voté pour un candidat en particulier, par exemple pour mobiliser son électorat.

Concernant le revenu, l'adresse peut-être croisée avec des données publiques de l'Insee, qui met publiquement à disposition des fichiers regroupant les revenus moyens en fonction du lieu d'habitation, pour toutes les communes françaises. Pour davantage de précision, les grandes communes sont découpées en sous-groupes de plusieurs centaines d'habitants (IRIS).

"Par exemple, en 2022, nous avons diffusé un message vocal d'Olivier Véran, qui ciblait uniquement les plus de 60 ans" explique Laurent Delwalle à Tech&Co.

10 à 33 centimes par envoi

Toutefois, un électeur ne peut en théorie pas recevoir des SMS de deux candidats différents, pour une même échéance électorale: l'entreprise réserve l'exclusivité d'un ciblage pour chaque parti. Ainsi, deux campagnes de SMS ne pourront pas cibler les électeurs d'un même bureau de vote, à moins de découper le groupe en deux, par exemple selon l'âge.

"En 2017, nous avons travaillé en exclusivité pour Emmanuel Macron. En 2022, nous avons travaillé avec les équipes de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, ou encore Valérie Pécresse" explique Laurent Delwalle, qui précise que dans le cadre des élections européennes 2024, ses services ont également été sollicités par EELV, mais aussi le Parti animaliste.

Avec des budgets forcément très différents. Auprès de Tech&Co, le patron de Selfcontact évoque un tarif de 10 à 33 centimes par SMS ou message vocal envoyé, selon la longueur du message, qu'il soit écrit ou audio. Sans entrer dans les détails, il évoque "des millions" de SMS envoyés ce 6 juin par les équipes de Marion Maréchal et Manon Aubry. Des opérations qui se chiffrent donc en centaines de milliers d'euros.

10.000 lignes téléphoniques

"Pour Emmanuel Macron, nous avons envoyé six millions de messages vocaux en seulement trois jours, en 2017. Au total, nous avons mis en place 10.000 lignes téléphoniques pour ces envois massifs" précise Laurent Delwalle.

Face aux réactions parfois négatives des électeurs, il assure que toutes ces opérations sont réalisées en toute légalité. L'entreprise, qui dispose d'une base de 30 millions de numéros de téléphone, explique travailler avec des partenaires pour créer ces bases de données. Des sites de vente en ligne, ou d'organisation de jeux concours, sur lesquels de nombreux internautes cochent des cases autorisant à collecter et utiliser leurs données personnelles pour le compte de tiers.

Des bases de données construites au fil des années, qui représentent un actif précieux pour l'entreprise. Un actif qui peut être utilisé pour des campagnes d'envois de SMS, mais en aucun cas cédé.

"Certains partis nous demandent de nous les acheter, mais c'est interdit" assure Laurent Delwalle à Tech&Co.

L'entrepreneur assure par ailleurs avoir été audité par la Cnil pendant trois ans, sans que l'autorité administrative n'ait retenu de griefs contre Selfcontact. Auprès de Tech&Co, il confirme être totalement étranger à des campagnes d'envoi de SMS bien plus hasardeuses, comme celle d'Eric Zemmour en 2022, visant les Français de confession juive. Une campagne qui a valu à l'ancien candidat Reconquête l'ouverture d'une enquête par le Parquet de Paris.

Concernant les campagnes de Manon Aubry et Marion Maréchal, la loi prévoit l'obligation pour les partis politiques de communiquer aux destinataires des SMS de quelle façon leurs données ont été collectées, en relayant cette demande auprès de Selfcontact. Il est également possible d'effectuer directement cette demande auprès de l'entreprise, à cette adresse.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co