"Comment ils ont eu mon numéro?": les SMS envoyés par les candidats aux européennes sont-ils légaux?

Ce jeudi 6 juin, de nombreux Français ont reçu un SMS du parti Reconquête, à quelques jours des élections européennes du 9 juin. Le message, assez court, va droit au but: "Bonjour, c'est Marion Maréchal. Dimanche votez pour stopper l'immigration, l'insécurité, l'assistanat et l'enfer fiscal. Ma vidéo ici." Le message se conclut par le traditionnel "STOP" à envoyer pour ne plus recevoir de SMS.
De quoi agacer certains électeurs, comme le montrent des messages publiés sur X (Twitter). "Est-ce bien légal d’utiliser des numéros de téléphone?" s'interroge un internaute. "Comment est-il possible que je puisse recevoir un SMS de Marion Maréchal Le Pen" s'offusque un autre. "Mais qui a donné mon numéro de téléphone à Marion Maréchal" peste une autre.
En réalité, Reconquête n'est pas le seul parti concerné. La France Insoumise a aussi envoyé une salve de SMS au même moment: "Ce dimanche 9 juin : contre la vie chère et pour la paix à Gaza, VOTEZ France insoumise avec M.Aubry et JL.Mélenchon Partagez!" Le message se termine par un lien renvoyant au site de la France Insoumise. Là encore, beaucoup ont commenté ce message reçu.
En réalité, les deux partis ne sont pas les seuls à utiliser ces méthodes de propagande électorale, bien que Reconquête se soit particulièrement démarqué sur cet usage. En 2022, le parti d'Eric Zemmour avait ainsi été épinglé pour des envois de SMS massifs notamment ceux destinés uniquement aux Français de confession juive. Un ciblage basé sur des données religieuses, particulièrement sensibles, qui avait valu au candidat d'être visé par une enquête préliminaire par le parquet de Paris.
Utilisation très encadrée
Et pour cause, l'utilisation de fichiers par des candidats à des élections est particulièrement encadrée.
"Il faut établir que les destinataires ont bel et bien consenti à recevoir des SMS de propagande électorale" résume Alexandre Archambault, avocat spécialisé dans le numérique, auprès de Tech&Co.
Comme le rappelle régulièrement la Cnil, l'envoi de SMS à des fins de propagande électorale se fait techniquement de la même manière que de la prospection commerciale: les partis font appel à des prestataires, qui font payer un accès à une base de données, afin de cibler des électeurs potentiels par SMS.
Mais le fait de passer par un prestataire "ne permet en aucun cas de rendre la campagne de SMS légale pour autant" avertit Alexandre Archambault.
"Les modalités de la collecte initiale ne sont pas nécessairement connues du parti ou du candidat qui les réutilise ni même adaptées à la prospection politique" explique la Cnil sur son site.
En d'autres termes: si, en théorie, ces campagnes peuvent être légales, il est parfois bien difficile pour les partis politiques de s'assurer que l'ensemble des personnes ciblées par les SMS aient donné un accord pour être contacté à des fins de prospection politique. D'où, comme on peut le constater sur les réseaux sociaux, des réactions parfois vives de certains internautes.
Des millions de numéros
Auprès de Tech&Co, LFI assure que ce SMS "a été envoyé aux électrices et électeurs rattachés à des bureaux de vote qui ont largement voté pour Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière élection présidentielle pour maximiser la participation. Cet envoi a été effectué par un prestataire, dans le strict respect des règles de la Cnil et du RGPD".
Interrogé par Tech&Co, l'équipe de Marion Maréchal précise quant à elle que l'opération a été confiée à l'entreprise Selfcontact, prestataire également évoqué par LFI.
"Les coordonnées des destinataires de notre communication sont issues d'une base de données opt-in (associées à un consentement de l'internaute, ndlr)" précise-t-elle.
Par ailleurs, l'équipe de la candidate Reconquête assure que chaque personne ciblée est libre de contacter l'entreprise Selfcontact pour "demander l'origine des données les concernant et comment l'opt-in a été recueilli". Un formulaire à cet effet est disponible sur le site de l'entreprise.
Auprès de France info, l'entreprise, Selfcontact qui a également travaillé pour la campagne d'Emmanuel Macron en 2017, assurait en 2021 disposer d'une base de données de quelque 29 millions de numéros de téléphone. Mis à disposition de ses clients - les partis politiques - ils ont été récoltés par le biais de partenariats avec des entreprises qui vendent ou louent leurs fichiers de clientèle, confiait alors son dirigeant Laurent Delwalle.