"Cela va révolutionner notre domaine": comment l'IA va bouleverser la physique fondamentale

L'intelligence sur tous les fronts. Alors qu'Emmanuel Macron réunit entrepreneurs et chefs d'Etat à partir de lundi pour le sommet mondial de l'IA, la technologie laisse entrevoir des opportunités incroyables. C'est notamment le cas dans la recherche.
"Il ne s'agit pas d'améliorations progressives, il s'agit de très, très, très grosses améliorations", constate ainsi le chercheur Mark Thomson, futur directeur de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) dans une interview donnée au Guardian. Le Britannique est convaincu de l'utilité de l'intelligence artificielle dans la recherche en physique fondamentale. Elle est principalement employée comme outil pour sélectionner et traiter un très grand nombre de données, notamment au grand collisionneur de hadrons (ou LHC) où est étudié le comportement du boson de Higgs.
L'IA, un appui pour les scientifiques
L'IA devient ainsi un outil prisé dans les domaines scientifiques afin de gagner en efficacité sur des tâches longues comme le traitement de données ou dans la prédiction de modèles. En 2024, trois chercheurs ont été récompensés du prix Nobel de chimie pour avoir développé une IA capable de prédire la structure de protéines, Alphafold.
Pour ce qui est de la physique, une des prochaines structures qui bénéficiera de l'IA pourrait donc être le LHC situé entre le France et la Suisse. Cet accélérateur de particules en anneau long de 27 km permet d'étudier les collisions entre particules ce qui génère une masse de données conséquente.
"Ce sont des données complexes, comme la prédiction de protéine mais si vous utilisez une technique complexe, comme l'IA, vous allez y arriver", assure Mark Thomson. Aujourd'hui, le laboratoire porte un intérêt tout particulier au boson de Higgs.
La particule à l'origine de la matière
Le boson de Higgs est une particule qui obsède les scientifiques depuis sa découverte en 2012. La masse acquise par les atomes et, par conséquent, toute la matière dans l'univers, pourrait trouver son origine dans l'interaction qu'ont les particules avec le boson de Higgs. L'étudier, c'est potentiellement trouver des réponses sur la formation de l'Univers.
Mais l'observation du boson de Higgs demande une grande patience et nécessite une extrême minutie. Le Cern projette dans le LHC des particules qui entrent en collision et les résidus sont étudiés pour déterminer si, oui ou non, le boson Higgs était présent lors de l'impact. La difficulté, c'est que la présence de la particule n'est pas systématique, bien au contraire puisqu'elle concerne une collision sur un milliard. Cela représente une quantité astronomique de données qu'il faut scruter pour espérer apercevoir le fameux boson de Higgs.
De nouvelles possibilités
Une des clés réside dans l'utilisation de l'IA pour éplucher ces données et identifier cet événement rarissime. Selon le futur directeur du Cern, l'IA est un nouvel élan pour la physique fondamentale. L'apprentissage automatique est déjà utilisé pour sélectionner les données à collecter lors d'expérimentations et pour retrouver les signatures de différentes particules.
"L’intelligence artificielle change la façon dont nous considérons les données dans tous les domaines de la science. La physique des particules est le terrain d’essai idéal pour l’IA, car nos données sont complexes."
Mais au-delà de retrouver des signatures caractéristiques de particules, Mark Thomson espère que l'IA pourra détecter des anomalies. Ces dernières pourraient révéler la présence d'éléments encore peu connus comme la matière noire.
Aux alentour de 2030, lorsque les modèles d'IA seront couplés à la version améliorée du LHC, le HL-LHC (grand collisionneur de hadrons à haute luminosité), le Cern sera en mesure de faire d'autres découvertes majeures. En multipliant par cinq la quantité de bosons de Higgs produits, l'accélérateur de particules amélioré offre un terrain de jeu amplifié pour étudier la particule. Mark Thomson explique notamment que le Cern s'intéresse à un événement d'une extrême rareté, la production simultanée de deux bosons de Higgs.