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Isère: à Saint-Romain-de-Jalionas, le maire s'oppose à la construction d'un barrage hydroélectrique

Un projet de barrage sème la discorde à Saint-Romain-de-Jalionas.

Un projet de barrage sème la discorde à Saint-Romain-de-Jalionas. - BFM Lyon

Alors que des études de faisabilité sont en cours, Jérôme Grausi craint que ce projet vienne détruire le cadre verdoyant de sa commune et considère le projet peu rentable.

Saint-Romain-de-Jalionas est une petite commune nord-iséroise bucolique et verdoyante. Ses quelque 3400 habitants sont séparés du département de l'Ain par le fleuve du Rhône, l'atout charme d'un village situé à moins de dix kilomètres de la centrale nucléaire de Bugey.

L'énergie y est dès lors un sujet primordial. Plus encore depuis que la Compagnie nationale du Rhône (CNR) a ressorti des placards un projet poussiéreux envisagé il y a près d'un siècle: ériger un barrage hydroélectrique en amont de la confluence du Rhône et de l'Ain, entre Saint-Romain-de-Jalionas et Loyettes.

La construction du nouvel ouvrage, moyennant 230 millions d'euros, fait actuellement l'objet d'études. Il s'inscrirait dans le cadre d'une accélération du développement des énergies renouvelables défendu par l'État. Objectif: en atteindre 33 % en 2030, avant la neutralité carbone à horizon 2050. Des caps définis dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE).

Le lieu où pourrait être implanté un barrage hydroélectrique près de Saint-Romain-de-Jalionas.
Le lieu où pourrait être implanté un barrage hydroélectrique près de Saint-Romain-de-Jalionas. © BFM Lyon

"Il faut être sensé"

Jérôme Grausi, le maire de Saint-Romain-de-Jalionas, ne veut pourtant pas entendre parler de ce projet. L'aménagement d'un barrage, d'une usine, d'ouvrages piscicoles permettant le franchissement, ainsi qu’une digue en rive droite en amont défigurerait les milieux aquatiques et le paysage de sa commune, peste l'édile. Cette dernière pourrait même ne pas s'en remettre, s'alarme-t-il.

"Je dis juste qu'il faut être sensé, raisonnable, surenchérit l'élu au micro de BFM Lyon. Il faut être objectif et se dire qu'ici, le Rhône, maintenant il faut le laisser tranquille puisque c'est le fleuve le plus artificialisé au monde." À ce jour, 19 centrales sont exploitées sur le Rhône.

Et l'intéressé d'adresser un message ferme à la CNR: "Il faut qu'ils le laissent comme il est: dans un état splendide". "Il ne leur appartient pas. Il appartient à tous, le Rhône."

Le soutien d'associations

Dans son combat, Jérôme Grausi peut compter sur l'appui de la Ligue de protection des oiseaux d'Auvergne-Rhône-Alpes, inquiète de la bétonisation d'"une des dernières zones naturelles du Rhône". Mais aussi de France nature environnement, de Lo Parvi ou encore d'une association de pêcheurs.

Ces collectifs organiseront le 30 septembre une journée pour informer les habitants de l'"impact environnemental catastrophique" du projet.

Effacer un pan de la biodiversité locale est donc l'un des risques de la construction du barrage, selon Jérôme Grausi, "bafouer l'histoire de notre commune" en est un autre, fustige-t-il auprès de France Bleu Isère. Car les abords du Rhône sont jalonnés de tombes gallo-romaines qui seraient ainsi menacées de disparition.

L'État tranchera début 2024

Avec ce nouveau barrage, la Compagnie nationale du Rhône entend atteindre une production supplémentaire d'énergie hydroélectrique d'environ 140 GWh par an. "Soit la consommation énergétique hors chauffage de 60.000 habitants", souligne-t-elle.

Un rendement insuffisant au regard des travaux à mener pour le maire de Saint-Romain-de-Jalionas: "Il faut se dire que ce projet qui ne fait que 37 MW de puissance va être à un peu plus d'un kilomètre de l'actuelle centrale". Sachant que la centrale de Bugey sera, selon les vœux d'Emmanuel Macron, équipée de deux réacteurs pressurisés européens (EPR) dans les années à venir.

Jérôme Grausi s'interroge: "Les deux projets vont être très proches. Donc quel est l'intérêt de mettre autant d'argent pour si peu de puissance et avoir un effet aussi dévastateur?" Se pose enfin la question de la sécurité pour les habitants, avec deux ouvrages de grande ampleur dans un rayon si restreint.

Si le calendrier prévisionnel est tenu, les études de faisabilité pilotées par la CNR se termineront fin octobre. S’ensuivra une concertation publique d’une durée de trois mois. Charge reviendra enfin à l'État d'acter ou non le lancement du projet début 2024. La mise en service doit survenir en 2033 au plus tard.

Florian Bouhot et Abdelmalek Benaouina