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Suez lance son plan de bataille contre Veolia

Photomontage réalisé le 3 septembre 2020 des portraits du directeur général de Suez, Bertrand Camus (G) posant le 14 novembre 2019 à Paris et et de celui du PDG de Veolia Antoine Frérot photographié le 10 janvier 2018 à Paris

Photomontage réalisé le 3 septembre 2020 des portraits du directeur général de Suez, Bertrand Camus (G) posant le 14 novembre 2019 à Paris et et de celui du PDG de Veolia Antoine Frérot photographié le 10 janvier 2018 à Paris - Joël SAGET © 2019 AFP

Le groupe doit présenter cette semaine le premier volet de sa stratégie de défense : un plan stratégique renforcé et accéléré. Pour convaincre des investisseurs de racheter la participation d’Engie et riposter à l’offre de Veolia. Les candidats ne sont pas nombreux.

Cette semaine marquera un tournant pour Suez. Le groupe doit lancer le premier volet de sa stratégie de défense pour contrer l’offensive de Veolia. Il réunira à nouveau son conseil d’administration en milieu de semaine pour valider ses nouvelles mesures stratégiques. « Il y a une pression énorme pour créer de la valeur » résume une source proche du groupe.

Augmenter le cours de Bourse est la condition sine qua non pour échapper à Veolia et attirer d’autres investisseurs susceptibles de racheter la part de 32% qu’Engie détient dans Suez. Dans un premier temps, ces grandes mesures seront présentées à Engie qui, pour les étudier en profondeur, demandera à Veolia de décaler la fin de son offre. Un délai précieux qui devrait aussi permettre à Suez de monter une offre solide de rachat de la participation d’Engie.

Selon plusieurs sources, cette première étape passera par un renforcement du plan stratégique présenté il y a un an. Baisse des coûts et augmentation des marges sont attendues. Mais c’est surtout une accélération des cessions d’actifs que Suez va mettre en avant pour donner des gages aux investisseurs. Depuis un an, le groupe a hésité à réaliser une importante vente de sa filiale américaine Suez Water ou espagnole Agbar. Mais directeur général Bertrand Camus n’avait pas les mains libres jusqu’en mai dernier alors que son prédécesseur, Jean-Louis Chaussade, présidait encore le conseil d’administration de Suez.

Accélérer les ventes de filiales

Cette fois, il semble décidé à vendre la branche américaine dont il pourrait retirer environ 2 milliards d’euros, rapportent plusieurs sources proches du groupe. « Il n’a pas beaucoup le choix », estime l’une d’entre elles. D’autres cessions sont attendues dans la branche propreté, essentiellement en Europe. Des ventes sont déjà en cours comme en Suède, où Veolia s’est d’ailleurs positionné. Mais c’est surtout les activités en Europe centrale dont Suez devrait se désengager. « L’objectif est de se séparer des métiers de collecte en Europe pour réinvestir dans le recyclage où les marges sont plus importantes » décrypte un proche du groupe.

Les fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures se bousculent pour racheter ces filiales que Suez pourra vendre rapidement. Car c’est surtout l’accélération du plan stratégique qui est recherché pour « réveiller » le cours de Bourse. Le groupe fait aussi miroiter un dividende exceptionnel d’une part importante des 3 à 4 milliards d’euros de recettes tirées des ventes d’actifs. Un moyen de pousser les potentiels investisseurs à proposer un prix au moins égal à celui de 15,5 euros par action proposé par Veolia. Ce premier chapitre sera présenté à l’actionnaire Engie d’ici la fin de la semaine pour le convaincre de la crédibilité de Suez à monter une offre alternative à Veolia.

Peu de candidats pour le moment

C’est tout l’enjeu. Les banquiers de Suez assurent que « le match n’est pas plié » dit l’un, même si « le chemin est étroit » reconnait un autre. Seuls des fonds d’investissement sont intéressés pour mettre un peu plus de 3 milliards d’euros afin de racheter la participation d’Engie. L’inconvénient ? Une participation minoritaire de 30% qui empêche de contrôler l’entreprise. Les fonds devront s’assurer d’avoir du poids au conseil de Suez. Mais ils disposent aussi d’un avantage que Veolia n’a pas : la rapidité. « Ils n’auront pas les délais de l’autorité de la concurrence de 18 mois et pourront agir vite » explique un bon connaisseur du dossier.

Le gouvernement a fixé comme condition d’avoir un investisseur français comme leader. Le fonds Ardian a confirmé discuter avec Suez… mais aussi avec Veolia. « Ils ne veulent pas prendre le risque de s’opposer à Veolia, surtout s’il gagne » décrypte une source. Plusieurs sources citent aussi le fonds Antin ou Predica, la filiale d’assurance-vie du Crédit Agricole qui participent à beaucoup de tour de table.

Caixa et la Caisse des Dépôts du Québec pas intéressées

Le nom de la Caisse des Dépôts et des Placements du Québec circule chez Suez et son actionnaire Engie. Mais selon nos informations, CDPQ n’est pas intéressée par un investissement chez Suez. Un choix étonnant alors qu’elle a aidé Suez à racheter la filiale eau de General Electric en 2017. L’an passé, elle a aussi repris, avec Engie les gazoducs TAG du brésilien Petrobras. CDPQ connait pourtant bien Suez. Son responsable des infrastructures est français. Ironie du sort, Emmanuel Jaclot est le fils de l’ancien directeur financier de Suez il y a vingt ans…

Suez ne pourra sûrement pas non plus compter sur ses deux autres actionnaires. L’espagnol Caixa et l’italien Caltagirone ne sont pas prêts à réinvestir dans Suez, expliquent plusieurs sources. Surtout Caixa qui a investi dans Suez à près de 14 euros l’action en 2014 puis réinvesti trois ans plus tard à près de 16 euros quand Veolia en propose 15,5 euros… Une source espagnole estime d’ailleurs que Caixa serait davantage intéressée par devenir actionnaire d’un groupe plus grand, donc avec Veolia. Sa fusion annoncée avec Bankia ne milite pas pour réinvestir dans Suez, précise cette source. Entre Engie, Caixa et Caltagirone, Suez aura du mal à s’appuyer sur ses actionnaires actuels pour contrer Veolia.

Matthieu Pechberty