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Quelle quantité d'or la France possède-t-elle dans son "Fort Knox" en plein Paris et à quoi sert ce magot?

Des casiers de lingots d'or dans les sous-sols de la Banque de France à Paris.

Des casiers de lingots d'or dans les sous-sols de la Banque de France à Paris. - Banque de France

Quatrième pays détenteur d'or au monde, la France en possède plus de 2.400 tonnes qui sont stockées pour l'immense majorité à Paris sous la Banque de France. Un actif symbolique mais que le pays aurait tort de céder, jugent les experts.

L'or de Fort Knox a-t-il disparu? Cette semaine Donald Trump et Elon Musk ont repris à leur compte une vieille théorie conspirationniste selon laquelle la réserve ultra-sécurisée située dans le Kentucky pourrait avoir été vidée de ses lingots. Comment? Par qui? Pourquoi? Le président américain et le milliardaire n'en disent pas plus.

Elon Musk se contentant de tweeter "peut-être qu'il y est, peut-être qu'il n'y est pas" avant d'ajouter que "ce serait cool de faire une visite vidéo en direct de Fort Knox!".

Selon la Monnaie américaine, les réserves d'or actuellement stockées à Fort Knox s'élèvent à 147,3 millions d'onces, soit plus de 4175 tonnes et plus de 400 milliards de dollars au cours actuel. Mais ce n'est pas tout l'or que possèdent les États-Unis qui en stockent aussi une très grande partie à la réserve fédérale de New York.

Au total, selon le secrétariat au Trésor, les États-Unis détiennent 8.133 tonnes d'or, ce qui en fait le premier au monde pour les réserves d'or. Dans ce classement mondial suivent l'Allemagne avec 3.352 tonnes, l'Italie (2.452 tonnes), la France (2.437 tonnes) et la Russie (2.336 tonnes). La France est donc le quatrième pays détenteur d’or, le cinquième en incluant les avoirs du Fonds monétaire international (FMI).

Au cours actuel de l'once (2.750 euros), la valoriation du stock national s'élève à 216 milliards d'euros.

27 mètres sous nos pieds

Ces réserves d'or sont d'ailleurs stockées pour 90% d'entre elles en plein Paris. Le reste étant réparti entre les États-Unis et Londres, où se trouve le marché du métal jaune.

"La Banque de France les conserve principalement dans un lieu ultra-sécurisé, appelé 'la Souterraine' qui est située à 27 mètres sous terre, et qui a été récompensée par le prix international de l’Architecture souterraine en 1940", indique l'institution monétaire française.

Situé sous l’Hôtel de Toulouse dans le 1er arrondissement, cette forteresse sous terre abrite depuis 1927 les réserves en or de la Banque de France.

Rares sont les personnes qui ont la chance de pénétrer dans ce lieu ultra-sécurisé. Il y a quelques années, la Banque de France avait toutefois mis en ligne une vidéo de visite du lieu.

Il s'agit donc d'une succession de salles des coffres qui s'étendent sur pas moins dun hectare sous les pieds des Parisiens. L'or y est conditionné en lingots de 12,5 kg d'une pureté minimale de 99,5% selon la norme de la London Bullion Market Association.

"Tout l’or du monde, connu et exploité depuis la nuit des temps, représente moins de 180.000 tonnes soit environ 9.000 m3 (soit 19,5 tonnes/m3), rappelle la Banque de France. La Souterraine pourrait l’accueillir sans difficulté."

La Chine fait le plein d'or

Depuis 1971 et la fin des fameux accords de Bretton Woods, l’or n’a plus de rôle monétaire. Autrement dit la masse monétaire n'a plus besoin d'être adossée à la possession d'or.

Dès lors, il est légitime de se demander à quoi sert cet or stocké par les États?

"Pour certains États, avoir un stock d'or c'est un outil de stabilisation de la monnaie pour éviter qu'il y ait trop de volatilité, explique Philippe Joly, expert de l'or et responsable de la distribution externe chez Financière de la Cité. En cas de dévaluation par exemple, on peut vendre du stock pour soutenir sa monnaie."

Des opérations cependant rarissimes dans les grandes économies européennes et américaines, d'autant que la monnaie unique du Vieux continent a débranché les nations des politiques monétaires. Les pays occidentaux n'achètent d'ailleurs plus d'or.

"Ce sont les pays émergents comme l'Inde, la Chine, la Turquie qui en achètent aujourd'hui, confirme Olivier Lechevalier de Defthedge. L'or représente 15% de leurs actifs quand chez nous ça tourne autour de 25%."

La Chine par exemple a accru ses réserves de 116% depuis 2009. Elle en possède désormais 2.280 tonnes, soit plus du double de pays comme la Suisse ou le Japon.

Pour les économies émergentes, l'or est une valeur refuge qui leur assure une sécurité financière et c'est surtout une façon de s'affranchir des monnaies comme l'euro et surtout le dollar. Si j'ai de l'or, ma monnaie a de la valeur donc je peux l'utiliser pour des paiements internationaux.

Un héritage du passé

Mais ce n'est pas le cas des "vieilles économies" comme la France ou les États-Unis qui a priori n'ont pas besoin de leur stock d'or pour assoir leur solidité monétaire.

"C'est un actif tangible qui ne va pas fondre, ni disparaître, ça démontre de la solidité, reconnaît Philippe Joly. C'est de la matière avec qui plus est un stock limité dans le monde. Après ça relève pour des États comme la France de choix de gestion avec d'autres types de placements."

Les réserves d'or sont donc un héritage historique qui ont aujourd'hui surtout une importante valeur symbolique.

Certains grands pays occidentaux ont d'ailleurs choisi de se délester de leur métal précieux. C'est le cas du Royaume-Uni qui a vendu la moitié de son or entre 1999 et 2002 et surtout du Canada dont la banque centrale s'est littéralement débarrassée de tout son stock qui avait culminé à 1.000 tonnes à son pic.

"Notre système monétaire international est aujourd’hui suffisamment robuste pour que la détention d’un instrument de stabilité aussi antique et dépassé que l’or n’ait vraiment plus aucun sens", justifiait en 2022 l'ancien gouverneur de la Banque du Canada (BdC), David Dodge, à Kitco News.

Ces deux pays ont ainsi préféré investir dans des obligations qui rapportent des revenus réguliers que conserver un stock de métaux qui ne rapporte rien.

Quand la France vendait de l'or sous Sarkozy

La France avait d'ailleurs un temps été séduite par cette approche. À partir de 2004, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Économie, la Banque de France a cédé près de 590 tonnes d'or sur cinq ans, soit près de 20% des réserves nationales.

Le but était alors d'engranger des revenus supplémentaires en investissant dans des outils financier afin de réduire les déficits.

Une opération jugée négativement par la Cour des comptes dans un rapport de 2012. Si les ventes ont permis de dégager des plus-values de cessions estimées à 4,67 milliards d'euros, "s’il n’avait pas été exécuté, la valeur des réserves en or aurait été, à fin 2010, supérieure de 19,4 milliards d'euros".

Au cours actuel de l'or, ces 590 tonnes seraient même valorisées à plus de 50 milliards d'euros, soit plus de 10 fois le produit de ces cessions !

Le pays a semble-t-il été vacciné par cette experience malheureuse car, depuis, plus un gramme d'or n'est sorti des réserves de la Souterraine.

"Aujourd'hui, pour la France, ce serait une erreur stratégique sur les marchés de vendre son or, estime Olivier Lechevalier. Vendre un actif qui est une valeur refuge, ce serait un mauvais signal qui traduirait une fébrilité dans un contexte international déjà compliqué."

Pas question donc de céder quelques tonnes de lingots précieux pour combler les déficits ou réduire la dette. Au cours actuel de l'or, le total des réserves nationales ne représentent de toute façon pas plus de 6,5% de la dette publique française.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco