Au Royaume-Uni, Boris Johnson annonce une hausse des taxes (malgré sa promesse de ne pas le faire)

Boris Johnson va augmenter les cotisations sociales. - AFP
Qu'est devenu le libéral Boris Johnson? Le Premier ministre qui rêvait de faire du Royaume-Uni un "paradis fiscal" pour attirer les investisseurs de la planète dans l'ère post-Brexiter faisant planer les menaces de la transformation de Londres en "Singapour-sur-Tamise" semble avoir changé de logiciel.
Pour remettre d'aplomb un système de santé à bout de souffle à cause de la pandémie, le Premier ministre britannique s'est résolu mardi à augmenter les prélèvements sociaux, rompant une promesse de campagne et s'exposant à la colère de sa majorité conservatrice.
Après avoir mis de côté toute rigueur budgétaire pour emprunter massivement face au Covid-19, le gouvernement renonce désormais à son engagement de ne pas relever les taxes, un nouvel accroc aux principes chers au parti de Margaret Thatcher.
Il s'agit de remettre à flot le service public et gratuit de santé, le NHS, et lui permettre de résorber les énormes retards pris dans les traitements. A plus long terme, l'objectif est de mettre en oeuvre la promesse de longue date de réformer le financement de la coûteuse prise en charge des adultes ayant besoin de soutien, comme les résidents de maisons de retraites ou les personnes atteints de démence.
Devant les députés, le chef de gouvernement a annoncé qu'une hausse de 1,25% de la "national insurance" s'appliquerait en avril 2022. Après "la pire pandémie en un siècle (...), nous devons maintenant aider le NHS à se remettre", a plaidé Boris Johnson. "Nous devons fournir maintenant le financement pour y arriver".
Cette hausse des cotisations sociales permettra, selon lui, de lever 36 milliards de livres (42 milliards d'euros) sur les trois prochaines années, après une injection de 5,4 milliards de livres sur les six prochains mois.
"Le succès de la cupidité"
Le Premier ministre vantait pourtant encore en mars dernier le secteur privé dans la lutte contre la pandémie.
"La raison pour laquelle nous avons le succès du vaccin est à cause du capitalisme, à cause de la cupidité de mes amis", assurait-il ainsi devant le comité des députés conservateurs selon le Sun.
Des propos qu'il avait cependant regretté par la suite.
Car le coronavirus a fortement accentué la pression sur le NHS, système gratuit vénéré par les Britanniques déjà mal en point avant la pandémie, avec des retards et manque de personnels chroniques.
Plus de cinq millions de personnes sont actuellement sur liste d'attente pour des soins non urgents en Angleterre et ce nombre pourrait atteindre 13 millions d'ici la fin de l'année, selon le gouvernement.
"Je reconnais que cela brise un engagement du programme" présenté dans le cadre des législatives de décembre 2019, a admis Boris Johnson. "Ce n'est pas quelque chose que je fais à la légère" mais "une pandémie mondiale ne figurait dans aucun programme".
"Ayant dépensé 407 milliards de livres voire plus pour soutenir les vies et moyens d'existence durant la pandémie, du chômage partiel aux vaccins, il serait faux pour moi de dire que nous pouvons payer pour ce redressement sans prendre de décisions difficiles mais responsables sur la manière de le financer", a-t-il insisté.
Financer les personnes en maisons de retraite
Autre coup de canif dans son programme, le gouvernement a suspendu un mécanisme qui aurait permis d'augmenter les retraites publiques d'environ 8% l'an prochain. La hausse sera bien moindre, à savoir 2,5% ou à hauteur de l'inflation. Le gouvernement compte également augmenter les taxes sur les dividendes.
Les rumeurs entourant ces mesures avaient alimenté la colère de nombreux élus conservateurs ces derniers jours, au point que Downing Street laisse fuiter dans la presse la possibilité d'un remaniement en cas de rébellion dans les rangs du gouvernement.
"Aucun gouvernement n'a envie d'augmenter les impôts mais nous sommes dans une période extraordinaire", a assuré le ministre des Finances Rishi Sunak devant la presse, expliquant qu'un nouveau recours à l'emprunt serait "irresponsable" après l'envolée de la dette pendant la pandémie.
Au-delà des besoins urgents du NHS, la hausse des cotisations sociales, qui s'appliquera aux employés comme aux employeurs, vise surtout à financer la prise en charge en maison de retraites comme le promettent depuis des années les gouvernements successifs au Royaume-Uni. Actuellement, toute personne ayant des avoirs dépassant 23.250 livres doit tout prendre en charge, menant à des situations difficiles.
A partir d'octobre 2023, les personnes à bas patrimoine (moins de 20.000 livres) ne devront rien débourser, et une aide sera accordée au-delà jusqu'à 100.000 livres, tandis que les dépenses seront plafonnées à 86.000 livres par personne.
Ces annonces ont été jugées insuffisantes par l'opposition travailliste, son chef de file Keir Starmer soulignant que les coûts resteront "substantiels" pour beaucoup de gens.
De leur côté, les Chambres de commerce britanniques ont dénoncé un frein à la croissance de l'emploi et à la reprise économique, les entreprises étant déjà fragilisées par 18 mois de pandémie.