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Une première en 25 ans: alors que l'État est surendetté, les Français placent, eux, plus d'argent de côté que les Allemands

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À plus de 10%, le taux d'épargne financière des Français a dépassé celui des Allemands au premier trimestre, selon la Banque de France. Depuis 2019, il a a plus que doublé. Le taux d'épargne au sens large reste lui à son plus haut niveau depuis 46 ans.

Une première en près de 25 ans. Au premier trimestre, le taux d'épargne financière des Français a atteint (hors années Covid) un niveau inédit de 10,5% et a dépassé celui des Allemands (9,9%), ce qui n'était pas arrivé depuis la fin de l'année 2000, selon la Banque de France.

L'Hexagone s'offre par la même occasion la première place du classement des pays européens affichant le taux d'épargne financière le plus élevé. Pour rappel, l'épargne financière représente les sommes placées par les ménages sur des produits financiers (Livrets, actions, assurance-vie...) auxquelles on exclut l'épargne qui sert au remboursement des crédits immobiliers.

Ce montant est ensuite rapporté au revenu disponible (revenu après transferts sociaux et impôts) pour obtenir le taux d'épargne financière. Lequel "a été multiplié par plus de 2 depuis 2019" en France, souligne Philippe Crevel, économiste et président du Cercle de l'épargne. Il est désormais 4,4 points supérieur à celui de la moyenne de la zone euro.

De son côté, le taux d'épargne des Français au sens large n'est pas encore supérieur à celui des Allemands mais s'en rapproche à grands pas: 19,4% contre 18,6% au premier trimestre. Selon l'Insee, il a même atteint 18,9% au deuxième trimestre. Du jamais vu depuis 1979, hors années Covid là-encore.

L'épargne tirée par la peur de l'avenir et une population vieillissante

Ces chiffres ne font que confirmer la tendance observée depuis plusieurs années: les Français mettent toujours plus d'argent de côté et les encours des placements financiers ne cessent de croître en conséquence (plus de 6.400 milliards d'euros). L'explication est multiple. Il y a d'abord "le contexte anxiogène avec une succession de chocs: Covid, guerre en Ukraine, inflation, crise politique, contexte international...", liste Philippe Crevel. Sans oublier la situation des finances publiques qui incitent les Français à prendre leurs précautions: "Ils anticipent des hausses d'impôts et d'éventuelles difficultés financières", relève l'économiste.

Si le bas de laine des épargnants est de plus en plus volumineux, c'est aussi parce que la population vieillit. Or, plus on vieillit, plus on a tendance à épargner. Une récente étude de l'Insee a notamment montré que les retraités avaient contribué pour deux tiers à la hausse du taux d'épargne ces deux dernières années.

Enfin, la troisième explication tient au comportement des épargnants européens et en particulier français: "En France, on capitalise les fruits de l'épargne. Les intérêts sont laissés en grande partie sur des placements, on ne retire pas les gains pour consommer comme c'est le cas aux États-Unis", précise Philippe Crevel.

Or avec l'inflation, "les taux d'intérêt ont augmenté ces dernières années, la capitalisation des intérêts a donc alimenté la hausse du taux d'épargne".

Emmanuel Lechypre face à Jean-Marc Daniel : Est-ce que les Français épargnent trop ? - 03/09
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L'Allemagne, un pays d'épargnants

Voir le taux d'épargne financière des Français devancer celui des Allemands n'est pas anecdotique sachant que nos voisins ont toujours eu une mentalité davantage portée sur l'épargne qu'ailleurs en Europe. D'abord parce que le niveau de vie y est plus élevé mais aussi parce que la classe politique a historiquement encouragé le peuple à se constituer un bas de laine. Le poids de l'histoire joue également à travers "des craintes de faillites beaucoup plus marquées que chez nous", observe Philippe Crevel, rappelant que l'Allemagne s'est retrouvée en faillite à trois reprises au cours du XXe siècle. De quoi inciter à se prémunir contre une éventuelle crise financière ou économique.

Le vieillissement de la population au sein de la première puissance économique du continent est aussi plus avancé qu'en France et les retraites y sont moins généreuses, ce qui là-encore favorise les comportements d'épargne. Les Français sont par ailleurs davantage propriétaires que les Allemands (56% contre 44,5%), "ce qui laisse plus de disponibilité pour l'épargne financière outre-Rhin", note Philippe Crevel. Le patrimoine financier des Allemands reste à cet égard largement supérieur à celui des Français, à plus de 9.000 milliards d'euros.

Une mauvaise nouvelle pour la croissance, une bonne nouvelle pour rassurer les marchés

Faut-il pour autant se réjouir ou s'inquiéter de l'augmentation continue du taux d'épargne dans l'Hexagone? Sans doute les deux. "Cela peut être inquiétant car cela témoigne de la défiance des Français. Surtout, l'accroissement de l'épargne peut être un frein à la croissance et contribuer au déficit public puisque plus d'épargne, c'est moins de consommation et donc moins de recettes fiscales", explique Philippe Crevel.

Mais l'expert juge dans le même temps que cette épargne est essentielle car "elle finance l'investissement de demain et d'après-demain". Sans oublier qu'à l'heure où les taux d'emprunts de la France se tendent en raison de l'instabilité politique et de la situation des finances publiques, l'épargne des ménages est un des éléments susceptibles de rassurer les marchés financiers: "Si on n'avait pas un taux d'épargne aussi élevé, la note de la dette française des agences de notation serait plus dégradée", conclut le président du Cercle de l'épargne.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco