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Niel, Arnault, Mulliez... Pourquoi les milliardaires français ont subitement cessé de snober le foot

Antoine Arnault.

Antoine Arnault. - Icon

Alors que les milieux d'affaires et les grandes fortunes françaises préféraient largement investir dans le rugby, l'arrivée des milliardaires dans le football, ces derniers mois, interroge. Un changement de paradigme ou un simple hasard lié à des opportunités?

En quelques jours, le football français a changé de visage. Mercredi dernier, Xavier Niel est devenu actionnaire de Créteil, club évoluant en National 2, équivalent de la quatrième division. Et deux jours plus tard, c'est la famille Arnault qui a célébré la montée en Ligue 1 du club du Paris FC, qu'elle a racheté l'année dernière.

Si on rajoute Alexandre Mulliez, héritier de l'empire Auchan qui a racheté fin 2023 le club du FC Versailles, cela commence à ressembler à une inflexion dans le capitalisme français.

"Jusqu'ici notre élite en France n'était pas vraiment sensible au sport, confirme Vincent Chaudel, fondateur de l'Observatoire du sport business. Enfin nos milliardaires s'intéressent au sport de haut niveau! Comme les milliardaires américains aux États-Unis, les Allemands, les Italiens... On est en train de corriger une anomalie."

En Allemagne par exemple, les grandes fortunes et les entreprises investissent depuis longtemps dans le football de haut niveau. Le géant Bayer est par exemple propriétaire du club de Leverkusen et le groupe Volkswagen de celui de Wolfsburg. Cela s'explique par un ancrage local plus fort de ces entreprises au sein d'un capitalisme familial et régional bien plus fort qu'en France.

Le rugby avait une meilleure image

Hormis la famille Peugeot propriétaire du club de Sochaux-Montbéliard jusqu'en 2014, les grands noms du business français se sont longtemps tenus à distance du football. Mais pas de tous les sports pour autant.

Car jusqu'alors c'était le rugby qui avait les faveurs exclusives des grands décideurs français. Des clubs d'amateurs très select comme le Rugby Club, fondé en 2007 par Claude Bébéar, ancien PDG d'Axa, ou encore Sport&Rugby, l'autre club très influent qui réunit 500 grands patrons, sont parmi les plus courus de la capitale.

Si le rugby valorisait aux yeux de ces grands dirigeants les valeurs de collectif et de camaraderie, le football lui était regardé avec un certain scepticisme.

"Je reconnais les capacités de ce sport à fédérer les Français, mais je déplore certaines pratiques délirantes du football professionnel, confiait ainsi à BFM Business Jean-Laurent Granier, le patron de Generali France qui dirige le Rugby Club. Un mercantilisme extrême, de la violence dans les stades, des arbitres contestés par les joueurs…"

Est-ce que pour autant l'image du ballon rond a profondément changé au sein de l'élite économique du pays?

Ce n'est peut-être pas certain. Car cette "anomalie" a été corrigée ces derniers mois un peu par hasard.

Un phénomène de mode?

Pour le cas de LVMH et du Paris FC par exemple, Antoine Arnault a demandé à la banque Rothschild s'il y avait des dossiers intéressants dans le football, confie-t-on dans son entourage.

Or au même moment, Pierre Ferracci, propriétaire du club mandatait la banque pour vendre le Paris FC. Sans cette heureuse concomitance, les Arnault n'auraient peut-être jamais mis un pied dans le foot.

De plus, la famille la plus riche de France ne semble pas vouloir y consacrer des sommes comparables à celles des propriétaires des grandes écuries de Ligue 1. Le budget du deuxième club parisien va certes passer de 30 millions à 80 millions voire 100 millions d'euros mais il restera largement en deçà de celui d'un club comme l'Olympique de Marseille (260 millions d'euros) et même 10 fois moindre que la somme dont dispose chaque année le Paris Saint-Germain.

"Il y a toujours des phénomènes de mode, constate Vincent Chaudel. Pour Pinault à Rennes c'était plutôt son identité bretonne qu'il voulait mettre en avant. Avec les Arnault c'est plutôt une approche moyen long terme."

Idem pour Xavier Niel, par ailleurs compagnon de Delphine Arnault, qui joue encore dans une autre dimension. Son US Créteil actuellement en Nationale 2 n'est pas près de gagner la Ligue des Champions. Les milliardaires français ont donc une approche très prudente, loin des propriétaires flambeurs comme QSI au PSG ou les fonds propriétaires des clubs anglais.

"Mais économiquement c'est très intéressant, reconnaît Vincent Chaudel. On peut prendre l’exemple de l’acteur canadien Ryan Reynolds qui a racheté le club anglais de Wrexham FC, en 5ème division pour 2 millions de dollars, qui vient de faire trois montées de suite et qui vaut aujourd'hui 100 millions."
Justine Vassogne et Frédéric Bianchi