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Le blé ukrainien, l'autre source de convoitise de Vladimir Poutine?

A elle seule, l'Ukraine représente 12% des exportations mondiales de blé.

A elle seule, l'Ukraine représente 12% des exportations mondiales de blé. - Philippe Huguen - AFP

La Russie qui a fait de son blé une arme d'influence géopolitique pourrait peser un tiers des exportations mondiales si elle mettait la main sur les régions productrices ukrainiennes.

La Russie aurait-elle aussi un intérêt économique à mettre la main sur certaines régions d'Ukraine? Alors que la crise russo-ukrainienne est motivée par des questions géopolitiques, Vladimir Poutine n'est peut-être pas insensible aux ressources de son voisin.

C'est ce qu'estime Sébastien Abis, chercheur à l'Iris et directeur du club Demeter spécialiste du monde agricole.

"40% de la production de blé se réalisent dans les Oblast de l'Est du pays avec 8% pour les deux régions indépendantistes de Louhansk et du Donetsk (où se situe le terminal portuaire de Marioupol) où la Russie veut "maintenir la paix", rappelle le chercheur dans une série de tweets. A noter que l'Ukraine réalise 4% de la production mondiale de blé mais assure 12% de l'exportation mondiale de cette céréale. L'Egypte et l'Indonésie sont ses 2 premiers acheteurs."

Si la Russie utilise ses hydrocarbures comme une arme géopolotique, le blé est redevenu stratégique sous la présidence de Vladimir Poutine. Après avoir fortement chuté avec la chute l'URSS, la production de céréale et de blé en particulier est repartie fortement à la hausse depuis le début des années 2000 passant de 36 millions de tonnes en 2001 à plus de 80 millions en 2020. A elle seule la Russie pèse plus de 20% des exportations mondiale de blé.

10 milliards de dollars de recettes

"Aujourd'hui, le monde en produit 800 millions de tonnes [de blé], contre 600 millions en 2000 mais, sur la même période, les exportations ont, elles, doublé en passant de 100 à 200 millions de tonnes, relève Sébastien Abis dans Les Echos. Là où la production a le plus progressé, c'est dans la région de la mer Noire, portée par le "réarmement" céréalier de la Russie."

Ces deux dernières décennies, le pays a innondé avec son robinet à blé l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l'Indonésie qui sont en déficit structurel. Et elle se sert aussi de ses céréales qui lui rapportent quelque 10 milliards de dollars comme d'une arme d'influence. Elle pourrait conditionner ses livraisons à des accords stratégiques.

Or la dernière récolte de blé a été mauvaise cette année en Russie. Le ministère de l'agriculture américain (USDA) a révisé à la baisse de façon spectaculaire la production de blé russe pour la saison 2021/2022 à 72,5 millions de tonnes contre 85 millions initialement prévus. Les aléas climatiques et notamment la sécheresse sont à l'origine de cette mauvaise récolte.

Dans le même temps, la production ukrainienne s'est elle maintenue et aurait même progressé. Les prévisions de l'USDA font état de 33 millions de tonnes contre 30 millions intialement estimés. A elles deux, la Russie et l'Ukraine représenteraient donc près d'un tiers des exportations mondiales de blé et joueraient le rôle de grenier de la planète. De quoi attiser des convoitises potentielles.

"Entre le Donbass, la République de Lougansk et la Crimée il y a tout un littoral et c'est manifestement ce littoral qui est le prochain objectif de Vladimir Poutine, assure l'historien et économiste Philippe Chalmin sur FranceInfo. Il y a les ports relativement importants, il y a quasiment 40% de la production céréalière ukrainienne."

Dans un contexte déjà inflationniste, les cours du blé se sont d'ailleurs envolés ces derniers jours sous la menace du conflit. La céréale a ainsi grimpé de 6% en une journée ce 22 février à la Bourse de Chicago. Sur les marchés des matières premières, les fluctuations de ce niveau sont très rares.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco