"La productivité au travail c'est le bien-être": le meilleur jeune économiste de France vient briser une idée reçue

"Le levier, c'est la productivité, donc l'innovation". Invité sur BFM Business ce mercredi matin, Antonin Bergeaud, prix du Meilleur jeune économiste 2025 et professeur associé à HEC, a mis en garde contre la faiblesse de la productivité en France et son impact sur la croissance.
"J’aimerais faire comprendre aux gens (…) que le ralentissement des gains de productivité est quelque chose d’assez problématique. Non pas parce qu’il faut absolument avoir de la croissance à tout prix sans réfléchir" mais parce que "notre système économique et notamment le financement de notre système social est basé sur l'idée qu'on va avoir de la croissance, que chaque année on va s'enrichir", a-t-il dit.
Selon lui, "une grande partie des débats qu'on a sur les retraites, sur les finances publiques, vient essentiellement du fait qu'on n'a plus de croissance parce qu'on n'arrive plus à générer de productivité, parce qu'on n'arrive plus à être assez innovant, parce qu'on a perdu tout un tas de moteurs qu'on a eus pendant des décennies". Antonin Bergeaud reconnaît qu'augmenter la productivité pour stimuler la croissance n'est pas simple.
Mais à défaut, il faudra "agir sur d'autres leviers, c'est-à-dire du temps de travail supplémentaire, mettre plus de gens en emploi (...)".
"Le plus simple à court terme c'est d'augmenter le temps de travail (...) si on veut augmenter le PIB mais je pense qu'on n'a pas spécialement envie d'augmenter le temps de travail. C'est très difficile à faire passer comme message", poursuit l'économiste, ajoutant par ailleurs que cela "ne va pas tellement dans le sens de l'histoire qui est plutôt de baisser le temps de travail, notamment avec" l'essor de "l'IA".
"La productivité et le bien-être au travail vont ensemble"
L'économiste regrette que le terme de "productivité" soit "souvent connoté négativement, parce qu'on pense que cela veut dire qu'il faut se bouger plus (au travail), qu'il faut être un peu plus exploité".
Or, "je ne crois pas que ce soit aux gens d'êtres plus productifs. Les Français travaillent de manière assez efficace", indique-t-il.
Pour lui, les gains de productivité passe avant tout par une remise en cause de "systèmes collectifs", de "l’organisation du travail", et par "l’innovation, et l’investissement dans des technologies".
Il faut aussi "être capable aussi de dire qu’il faut arrêter de protéger certaines entreprises et peut-être réallouer les crédits vers d’autres, parce qu’il y a des entreprises qui ne sont pas assez productives", souligne Antonin Bergeaud appelant à "favoriser notamment la réallocation de l’emploi vers des entreprises plus productives parce que quand on est coincé dans une entreprise pas productive, les salaires stagnent on n’est malheureux et en général ce sont des entreprises qui ont des organisations qui sont un peu dysfonctionnelles, ça rend les travailleurs insatisfaits".
Bref, "la produtivité ce n'est pas du tout quelque chose qu’on doit opposer nécessairement à une forme de bien-être au travail. Au contraire, les deux vont ensemble", conclut-il.