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La ministre du Travail veut taxer les retraités "qui peuvent se le permettre", Matignon temporise

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Astrid Panosyan-Bouvet veut mettre à contribution les retraités les plus aisés pour financer les Ephad. Le sujet, potentiellement explosif, "n'est pas à l'ordre du jour du gouvernement", banalise un proche de François Bayrou.

Une phrase qui passe mal dans le camp de François Bayrou. La ministre du Travail Astrid Panosyan a expliqué sur TF1 ce mardi 21 janvier que certains retraités pourraient participer au financement de la sécurité sociale et du grand âge, jugeant que les travailleurs et les entreprises ne pouvaient pas être les seuls à y participer.

Soucieux de ne pas laisser croire que cette hypothèse soit une piste de travail avant le retour du budget de la sécu à l'Assemblée, Matignon dément.

"Ce nest pas du tout à l'ordre du jour", avance un proche de François Bayrou auprès de BFMTV, "en tout cas pas du gouvernement".

Faire participer les retraités à partir de "2.000 euros"

Interrogé sur la position du Sénat qui a voté en novembre dernier une mesure pour faire travailler 7 heures de plus par an les actifs gratuitement au bénéfice de la protection sociale, Astrid Panosyan-Bouvet a estimé que les efforts "peuvent porter effectivement sur les personnes qui travaillent".

"Mais ça peut porter aussi sur les personnes retraitées qui peuvent se le permettre", a jugé l'ex députée de Paris, co-fondatrice de Renaissance, en précisant que "ça ne doit pas concerner tous les retraités". "Ça peut être 40% des retraités".

"C'est à discuter, ça peut être 2.000 euros (de pension par mois), 2.500 euros", a encore avancé la ministre du Travail, appelant à "arrêter de voir les retraités comme un bloc homogène".

"Pas d'hypothèse qui a une préférence quelconque"

La pension mensuelle nette des retraités s'élève en moyenne à 1512 euros. Une fois à la retraite, les prélèvements sociaux prélevés sont bien plus réduits que pour une personne en emploi. La CGS, la contribution sociale générale, qui finance notamment les hôpitaux et les Ephad se montent à 8,3% pour les retraités contre 9,2% par exemple pour les salariés.

Mais depuis la colère des retraités qui n'avaient pas digéré la hausse de cet impôt en 2018, avant un rétropédalage en règle d'Emmanuel Macron, le gouvernement hésite à toucher à nouveau au porte-monnaie des retraités.

"Il y a des hypothèses" sur la question du financement de la sécurité sociale "mais pas d'hypothèse qui a une préférence quelconque", tient ainsi à préciser l'entourage du Premier ministre.

"Une position personnelle"

"Il y a un moment donné où il faut" que le coût du grand âge "soit mieux réparti sur l'ensemble de la population, surtout pour un risque qui est celui de la dépendance qui concerne très principalement les personnes âgées", avait expliqué de son côté la ministre du Travail sur TF1.

"C'est une position personnelle", justifie désormais le propre cabinet d'Astrid Panosyan-Bouvet à BFMTV.

Pas question cependant de parler de recadrage du côté de François Bayrou. "On encourage les ministres à avoir des idées personnelles. Ça ne veut pas dire qu'on les reprend derrière", insiste-t-on à Matignon.

Pas un couac mais "des précisions"

Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, le Premier ministre encourage son équipe à s'exprimer relativement librement. Exit par exemple les relectures d'interviews dans les médias, une pratique courante pour éviter que différents sons de cloche ministériels ne soient entendues dans les médias. Quitte parfois à s'emmêler les pinceaux.

Soucieux de pouvoir parler à la gauche et à la droite, François Rebsamen, ministre de l'Aménagement du territoire peut par exemple indiquer sur BFMTV la semaine dernière "respecter toutes les forces politiques sauf le RN" avant que la porte-parole du gouvernement ne dise l'exact contraire. Sophie Primas a ainsi évoqué "le dialogue de François Bayrou avec l'ensemble des forces politiques".

Matignon refuse d'ailleurs de parler de couac en évoquant Astrid Panosyan-Bouvet et préfère parler de "précisions". Il faut dire que la proposition de la ministre du Travail aurait l'avantage de ramener des fonds dans des caisses de l'État bien vides.

"500 à 800 millions d'euros de plus" pour le grand âge

La création d'une journée de 7 heures supplémentaires pour les actifs sans rémunération couplé à une contribution des personnes âgées les plus riches pourrait ramener "de 500 à 800 millions d'euros", chiffre ainsi l'ancienne députée.

Vice-président du groupe Renaissance à l'Assemblée, le député Mathieu Lefèvre, a fustigé la proposition de son ex collègue auprès de BFMTV. "À 2.000 euros par mois quand on est retraité, on n'est pas riche", critique ce proche de Gérald Darmanin.

"Il y a un manque de clarté du gouvernement", tance de son côté le député socialiste Arthur Delaporte, s'interrogeant sur "le concours Lépine pour le financement de la dépendance".

Loïc Besson et Marie-Pierre Bourgeois