Voitures, vins, médicaments... pourquoi l'Europe pourrait souffrir de nouvelles "taxes Trump"

Donald Trump, nouvelle édition. Réélu en novembre dernier, il sera officiellement investi lundi 20 janvier. Donald Trump a promis des décisions radicales pour son retour à la Maison-Blanche, dont certaines pourraient donner des sueurs froides à l'Europe.
Le président américain avait martelé à plusieurs reprises vouloir imposer des droits de douane de 10% à 20% sur l'ensemble des produits étrangers entrant aux États-Unis, l'Europe comprise. De l'autre côté de l'Atlantique, les avertissements trumpistes rappellent les précédentes menaces, elles, déjà concrétisées par le dirigeant républicain au cours de son premier mandat entre 2017 et 2021 –dans le sillage d'une discorde transatlantique sur les aides publiques à l'aéronautique, Donald Trump avait notamment ordonné des surtaxes de 25% sur certains vins européens.
Pour l'Union européenne, les États-Unis constituent un partenaire commercial incontournable, et même le premier de ses partenaires, vers lequel elle dirigeait un peu moins de 20% de ses exportations de biens en 2023, loin devant le Royaume-Uni (13,1%) et la Chine (8,8%), selon les données Eurostat. Si le président américain matérialisait ses menaces douanières, certains secteurs économiques pourraient être particulièrement chahutés sur le Vieux continent.
• Les vins
La filière viticole aurait beaucoup à perdre si Donald Trump relevait largement les droits de douane américains. Sans surprise, la France serait en première ligne: avec un peu plus de 3,6 milliards d'euros, les États-Unis représentaient 22,4% des exportations françaises de vins et spiritueux en 2023, selon les chiffres de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS).
Les surtaxes imposées par la précédente administration Trump entre octobre 2019 et janvier 2021 sur les vins tranquilles s'étaient soldées par une dégringolade des exportations –le cognac y avait échappé à la dernière minute. Également bouleversées par la crise sanitaire, les exportations de vins français vers les États-Unis avaient plongé de 23,4% en 2020 (en valeur) par rapport à l'année précédente.
L'Espagne et l'Italie, deux autres grandes exportatrices de vins, pourraient également souffrir de nouvelles surtaxes américaines – en 2019-2021, les vins italiens avaient toutefois été épargnés, sans explication précise, permettant à l'Italie de devenir le leader des ventes outre-Atlantique.
• Les médicaments
Les médicaments, eux aussi, seraient chahutés par un relèvement des droits de douane américains. L'Europe est une terre fertile pour la pharmacie. Pour la France, les produits pharmaceutiques s'installaient à la deuxième place des produits exportés vers les États-Unis en 2023. L'Allemagne, l'Irlande ou la Belgique y vendent également une partie importante de leur production.
Des surtaxes américaines, si elles étaient mises en œuvre, ne devraient pas durement pénaliser les exportations de médicaments et de vaccins vers les États-Unis. Mais elles pourraient inciter les entreprises pharmaceutiques à augmenter leur production outre-Atlantique pour éviter ces mêmes surtaxes douanières, aux dépens des usines européennes – ce que Donald Trump espère.
De manière générale, au-delà du seul secteur pharmaceutique, l'industrie chimique européenne est tournée en bonne partie vers les États-Unis. Le pays accueillait 26,6% des exportations européennes de produits chimiques vers des pays tiers en 2023, selon les données Eurostat.
• L'automobile
Pour le secteur automobile, érigé en symbole par Donald Trump, les surtaxes semblent inévitables, alors même que l'industrie automobile européenne s'embourbe dans la crise et supprime des milliers d'emplois. Le président américain, avant son retour à Washington, avait répété vouloir rapatrier la production automobile sur le sol américain, pour favoriser les voitures "made in America".
L'Allemagne est la première inquiète en Europe: son industrie automobile est la plus exposée à d'éventuelles surtaxes américaines, les États-Unis constituant son deuxième marché d'exportation après la Chine. Les grands constructeurs européens ont toutefois une forte implantation industrielle aux États-Unis, qui leur permettrait de contourner le problème en y augmentant la production.
Mais les menaces trumpistes s'invitent au moment où les constructeurs européens subissent également les subventions chinoises dans les véhicules électriques. L'UE y a néanmoins répliqué en octobre dernier par des droits de douane supplémentaires sur les voitures chinoises.
• L'huile d'olive
Les Américains sont friands d'huile d'olive: depuis les années 2000, la consommation ne cesse de grimper aux États-Unis, désormais troisième consommateur mondial après l'Espagne et l'Italie. Une aubaine pour l'UE, pour qui le pays représentait 34% des volumes exportés vers des pays tiers en 2021, loin devant le Brésil (11%) et le Japon (8%), selon des chiffres rapportés par FranceAgriMer.
L'huile d'olive espagnole, et les olives de manière générale, est au cœur d'un conflit commercial transatlantique, engendré par les surtaxes instaurées sous le premier mandat de Donald Trump. Le coup avait été rude pour l'Espagne, mastodonte de l'huile d'olive qui assure les deux tiers de la production européenne: avec un peu plus de 11% des volumes, l'Amérique est son troisième client.
Le retour de Donald Trump s'inscrit ainsi dans un contexte déjà tendu pour l'huile d'olive espagnole. Ces surtaxes ont été jugées illégales par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2021, mais un groupe d'experts a jugé en février 2024 que les États-Unis ne s'étaient toujours pas conformés à cette décision. En novembre dernier, l'UE a saisi l'OMC pour exiger une compensation.