BFM Business
International

Taxes, contrôle: pourquoi le fonctionnement du canal de Panama est plus complexe que ce qu’en dit Trump

placeholder video
Invité sur BFM Business ce lundi, Paul Tourret, directeur de l’Insitut supérieur d’économie maritime, revient sur les déclarations de Donald Trump concernant le canal de Panama. Il nuance notamment les propos du président américain sur le contrôle du canal par la Chine.

Des "bêtises". C'est ainsi que Paul Tourret, le directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar), invité de BFM Business lundi matin, a qualifié certains propos de Donald Trump à propos du Canal de Panama.

Dans son discours d’investiture, le président des Etats-Unis a en effet affirmé que "les navires américains sont surtaxés […] Et surtout la Chine exploite le canal de Panama et nous ne l’avons pas donné à la Chine. Et nous allons le reprendre." Le président panaméen José Raul Mulino a rapidement répondu, affirmant que le canal n'est contrôlé, directement ou indirectement, ni par la Chine, ni par la Communauté européenne, ni par les Etats-Unis ni toute autre puissance. Le canal appartient et continuera d'appartenir au Panama".

Selon Paul Tourret, il y a "deux bêtises" prononcées par Trump dans cette allocution sur le canal de Panama.

D’abord, "il n’y a pas vraiment de flotte américaine", puisqu’il n’y a que 500 navires américains qui passent par ce canal, (contre environ 800 de nationalité chinoise). L’expert précise que les navires américains et chinois qui empruntent cette route sont souvent enregistrés sous des pavillons étrangers.

Un contrôle de la chine sur le canal de Panama qui doit être nuancé

A la question de l’influence chinoise sur le canal de Panama, Paul Tourret confirme qu’il y a une sorte de contrôle, mais que celui-ci reste limité.

En effet, deux terminaux appartiennent à une société privée de Hong-Kong depuis environ 30 ans. Ce sont les ports stratégiques de Balboa et Cristobal, qui sont situés aux deux extrémités du canal. L’inquiétude vient de l’influence croissante de la Chine sur les entreprises hong-kongaises. Comme l’a exprimé Marco Rubio, secrétaire d’Etat américain, la Chine pourrait utiliser ces ports comme un "goulot d’étranglement".

Par ailleurs, Pékin mène une politique d’investissement massive dans le canal de Panama, et les échanges commerciaux entre le Chine et l’Amérique latine ont fortement augmenté. Mais la Chine a affirmé respecter "la souveraineté du Panama" sur la voie maritime, d’après un parte parole de la diplomatie chinoise Mao Ning.

Mais pour Paul Tourret, le débat sur le canal de Panama semble surtout être un élément secondaire dans une lecture géopolitique plus complexe du mandat de Donald Trump.

"Le canal de Panama est un épiphénomène sans doute instrumentalisé dans une lecture géopolitique complexe de l’administration Trump" selon Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d’économie maritime.

L’expert s’interroge sur l’intérêt à couper une route commerciale essentielle entre la Chine et les États-Unis, surtout alors que le canal sert à exporter du soja et du maïs américain vers la Chine et à importer des biens fabriqués en Chine aux Etats-Unis. "S’il y avait une guerre commerciale, on couperait les échanges et tout le monde se retrouverait le bec dans l’eau", affirme le directeur de l'Isemar.

Benaouda Abdeddaïm : Canal de Panama, menace américaine - 23/12
Benaouda Abdeddaïm : Canal de Panama, menace américaine - 23/12
4:01

Pour Trump, les droits de passages des navires de commerce américains sont trop élevés. Dans les faits, c’est le gouvernement panaméen, à la demande de l’ACP qui fixe les prix en fonction des besoins du canal et de la demande commerciale.

"Pour l’instant il n’y a aucun souci, on ne peut pas dire que [les navires américains] sont surtaxés", affirme Paul Tourret.

"Il n’y a plus d’armateurs américains, il y a surtout des consommateurs et agriculteurs américains en relation avec une économie majeure qu’est la Chine" dit-il, rappelant que le Canal de Panama est instrumentalisé par Donald Trump dans une lecture géopolitique plus large.

Louise de Maisonneuve