BFM Business
International

Syrie: confronté à des "massacres de civils", le nouveau pouvoir à l'épreuve de la réalité

placeholder video
LE MONDE QUI BOUGE. Trois mois à peine après la chute de Bachar al-Assad, la Syrie est secouée par des violences meurtrières. Une épreuve de vérité pour le nouveau pouvoir.

La Syrie peut-elle rebasculer dans le chaos après plus de 13 ans de guerre civile? En tout cas, la promesse d’unité faite par Ahmad al-Charaa en décembre dernier est déjà mise à mal avec plus de 1.400 morts, en quelques jours, dont un millier de civils alaouites –la minorité dont est issue le clan Assad. Une ONG dénonce un "nettoyage ethnique".

Cette vague de répression a été déclenchée par l’attaque sanglante menée par des loyalistes de l’ancien régime contre les forces de sécurité dans la région côtière de Lattaquié.

Le nouveau pouvoir, qui condamne ces violences, les impute à des groupes armés non officiels, qui ne seraient pas sous son commandement. Il appelle à la "paix civile" et annonce la formation d'une "commission d'enquête indépendante" afin d'identifier et de "traduire en justice" les responsables.

Des autorités dépassées?

Ce qui est en train de se passer est un véritable test pour le pouvoir. Unifier la Syrie représente un défi d’ampleur. Alaouites, sunnites, Kurdes, chrétiens… La nation multiconfessionnelle et multiethnique est morcelée en une multitude de communautés.

Dès la chute de Bachar al-Assad, les minorités exprimaient leur inquiétude mais les nouvelles autorités se montraient rassurantes:

"C'est précisément parce que nous sommes musulmans que nous garantirons les droits de tous et de toutes les confessions en Syrie", déclarait en décembre le Premier ministre intérimaire, Mohammad al-Bachir.

Sauf que l’unité affichée se fissure de manière de plus en plus visible. D’autant que les autorités de Damas n’ont pas la main sur tout le pays et encore moins sur tous les combattants armés.

Caroline Loyer : Syrie, l'épreuve de vérité pour Al-Chareh - 10/03
Caroline Loyer : Syrie, l'épreuve de vérité pour Al-Chareh - 10/03
3:23

Parmi les auteurs de la répression contre les alaouites se trouvent d’ex-membres d’HTS, le mouvement islamiste créé par le président par intérim, des éléments d’Al Qaeda, des groupes soutenus par la Turquie, notamment des combattants de l’armée nationale syrienne. Un ensemble de combattants aguerris déterminés à venir à bout de l’insurrection des loyalistes de l’ancien régime.

Des loyalistes "qui profitent des capacités militaires et sécuritaires limitées du gouvernement syrien pour tenter de faire dérailler la transition politique", selon Lina Khatib, du think tank britannique Chatham House.

Ahmad al-Charaa et son gouvernement sont désormais confronté à dilemme: réprimer les forces pro-Assad suffisamment durement pour empêcher l'émergence d'une insurrection à grande échelle sans provoquer une rupture totale avec la communauté alaouite qui représente 10% de la population.

Condamnations internationales

Le leader syrien sait que la communauté internationale l’observe. Ce bain de sang pose de sérieuses questions sur sa capacité à réconcilier les Syriens et à mener une transition inclusive. Les "massacres de civils" doivent cesser immédiatement affirme l’ONU. L’Allemagne appelle la Syrie à éviter une "spirale de violence".

Israël, qui exige la démilitarisation du sud du pays voisin et qui a avancé dans le plateau du Golan depuis la chute d’Assad, exhorte l'Europe à se réveiller et à "cesser d'accorder une légitimité" au pouvoir de transition.

Les nouvelles autorités, qui recherchent le soutien des occidentaux depuis le début, aimeraient désamorcer la situation au plus vite.

Les États-Unis ont partiellement et temporairement levé en janvier, une partie de leur sanction, suivis de l'Union européenne quelques semaines plus tard. L’UE attendait, selon les termes de Kaja Kallas, de constater des "progrès dans la bonne direction" pour aller plus loin. Ce qui est en train de se dérouler est tout sauf un gage de confiance.

Caroline Loyer