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Niger: Orano s'incline alors que la junte tend la main à Moscou

Un employé marche dans l'usine de retraitement d'Orano à La Hague, dans la Manche, le 14 décembre 2022 (photo d'illustration).

Un employé marche dans l'usine de retraitement d'Orano à La Hague, dans la Manche, le 14 décembre 2022 (photo d'illustration). - Lou BENOIST / AFP

Alors qu’Orano, le géant français de l'uranium, a perdu le contrôle de sa filiale au Niger, la junte invite la Russie à exploiter ses ressources.

Ce n’était plus qu’une question de temps. La junte militaire a remporté le bras de fer engagé depuis sa prise de pouvoir en juillet 2023 avec le géant français de l'uranium.

Fin octobre, Orano annonçait son intention de "suspendre" sa production face à la dégradation de la situation. Finalement, mercredi, le groupe a avoué avoir perdu "le contrôle opérationnel de la Somaïr" - la Société des mines de l'Aïr dont elle est l’actionnaire principal.

"Les décisions prises lors des conseils d'administration de la société ne sont plus appliquées (…) Les autorités nigériennes ont pris le contrôle", déplore Orano.

En juin dernier, les autorités locales avaient déjà porté un coup aux activités de la société en lui retirant son permis d'exploitation du méga gisement d'Imouraren, des réserves de 200.000 tonnes.

Le Niger représente 15% de la production d’Orano, qui n’a plus l’autorisation d’exporter ses stocks. Pour essayer de compenser les pertes, l'Etat a injecté 300 millions d'euros dans les caisses de la société.

La Russie conviée

Même si Orano "entend défendre ses droits auprès des instances compétentes" on voit mal comment le géant pourrait inverser le cours des chose face à une junte qui tient le pays d’une main de fer.

Ce qui excède un peu plus le groupe français c’est que ses mines pourraient revenir à Moscou.

"Nous avons déjà rencontré des sociétés russes qui sont intéressées pour venir explorer et exploiter nos ressources naturelles", a déclaré, le ministre nigérien des Mines. Ousmane Abarchi précise que la Russie est la bienvenue car elle reconnaît les autorités en place, ce que Paris refuse de faire.

C’est plus qu’un appel du pieds de la part de Niamey. Cela fait des mois, si ce n’est plus, que Rosatom, leader du marché mondial de l'uranium, lorgne sur les actifs d’Orano. La société nucléaire d’Etat russe bénéfice des bons rapports du Kremlin avec la junte.

Moscou a de plus en plus le champ libre. On le voit bien dans d’autres ex-colonies françaises. Au Mali et au Burkina Faso par exemple, alors que les forces françaises ont été priées de partir, on observe un développement sans précédent des relations bilatérale avec Moscou. Sergei Lavrov est règulièremenbt accueilli avec les plus grands honneurs à Bamako et Ouagadougou. Le chef de la diplomatie russe est aussi désormais un ami du Tchad. Ce dernier, avec le Sénégal, vient d’infliger une dernière humiliation à la France en exigeant le départ de tous ses soldats.

Mais il ne s’agit pas seulement de défense. En mars dernier une délégation nigérienne a été invitée au forum Atomexpo, événement phare de l’industrie nucléaire russe, à Sotchi. Les putschistes veulent faire affaires mais défendent des partenariats "gagnant-gagnant", eux qui dénoncent une politique néocoloniale de la part de la France.

Paris semble avoir reçu le message et se tourne de plus en plus vers des pays d’Afrique où la France n’a pas de passé colonial. Emmanuel Macron a reçu les présidents du Ghana et du Nigeria récemment. Les liens avec ces nations anglophones d'Afrique de l'Ouest se resserrent. Paris se tourne également vers l'Afrique de l'Est, où la Chine est déjà bien établie.

Caroline Loyer