Menacée par les droits de douane de Trump qui risquent de tripler, cette usine qui produit des jeans Levi's au Kenya va licencier un millier de salariés

United Aryan, une entreprise basée au Kenya qui produit des jeans Wrangler et Levi's - Photo par SIMON MAINA
Faute de renouvellement d'un accord offrant des conditions d'exportation préférentielles à de nombreux pays africains vers les États-Unis, un millier de salariés d'une entreprise fabriquant des jeans au Kenya vont rapidement être licenciés, a déploré vendredi leur employeur auprès de l'AFP.
L'AGOA (African Growth and Opportunity Act), pilier des relations commerciales entre Washington et le continent africain, permet d'exporter certains produits "made in Africa" aux États-Unis sans droits de douane. Il bénéficie à une trentaine de pays subsahariens, qui ont ainsi exporté vers les États-Unis pour 8 milliards de dollars (6,8 milliards d'euros) en 2024, le principal bénéficiaire étant l'Afrique du Sud (3,8 milliards de dollars), devant le Kenya (567 millions de dollars), selon des chiffres du Congrès américain.
Promulgué en 2000, l'AGOA devait être renouvelé en septembre. Mais beaucoup s'interrogeaient depuis des mois sur son sort, après le bouleversement de la politique commerciale enclenché par le président américain Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche.
"Personne n'a pris en main notre cause"
Lors de réunions à New York (États-Unis) cette semaine, des dirigeants et cadres d'industrie africains ont reçu des assurances de hauts responsables de l'administration Trump que l'AGOA serait renouvelé, a déclaré à l'AFP un des participants, Pankaj Bedi, PDG d'United Aryan, une entreprise basée au Kenya qui produit des jeans Wrangler et Levi's exportés aux États-Unis dans le cadre de l'AGOA.
"Tous ceux que nous avons rencontrés du côté américain estiment que oui, l'AGOA devrait continuer", a-t-il souligné. Mais "personne n'a pris en main notre cause (...) Ils attendent tous essentiellement un signe de la Maison-Blanche." Il n'y a désormais aucune chance que ce signe survienne avant l'expiration de l'accord le 30 septembre, a poursuivi Pankaj Bedi.
D'autant que Donald Trump n'est pas un adepte des accords de libre-échange de grande envergure et qu'il a imposé d'importantes taxes à de nombreux pays, y compris africains. La Maison-Blanche est en outre engagée dans un bras de fer budgétaire avec l'opposition démocrate américaine, le président menaçant de licencier en masse des fonctionnaires si le Congrès ne votait pas une loi de finances d'ici la fin du mois. L'AGOA, dans ce contexte, ne semble pas une priorité.
"Conséquences très graves"
L'AGOA pourrait encore être renouvelé rétroactivement en novembre, peut-être pour deux ans, afin de permettre une transition vers des accords bilatéraux que préfère Donald Trump, estime Pankaj Bedi. Mais il sera peut-être trop tard pour certains acheteurs, qui dans le textile pourraient selon lui se tourner vers le Bangladesh ou le Vietnam, géants du secteur.
Aryan va donc licencier instamment 1.000 de ses 10.000 salariés, entraînant des "conséquences très graves" pour des milliers de familles qui en dépendent, regrette Pankaj Bedi. Les répercussions s'annoncent importantes pour toute l'économie kényane car "l'incertitude ne concerne pas seulement les acheteurs, mais aussi les prêteurs, les banques", énumère-t-il. "Tout le monde est très nerveux."
Certains pays africains ont déjà subi une perturbation massive de leurs échanges commerciaux en raison de précédentes décisions de l'administration Trump. Le petit royaume africain du Lesotho, que le président américain avait qualifié de "pays dont personne n'a jamais entendu parler", a été l'un des plus durement touchés après que Washington lui a imposé 50% de droits de douane supplémentaires cette année. Lui aussi exporte des vêtements vers les États-Unis.
Le Kenya avait obtenu les droits de douane les plus bas du continent avec 10%, mais avec l'expiration de l'AGOA, ils devraient monter à 33%. L'Afrique du Sud, en pleine brouille diplomatique avec Washington, est également confrontée à des milliers de pertes d'emplois avec la fin de l'AGOA et des droits de douane de 30% qui frappent ses secteurs automobile et agricole.
Les États-Unis avaient fait "une concession" aux États africains au nom de leur "soft power", c'est-à-dire qu'ils bénéficiaient en retour d'une bienveillance des pays bénéficiaires, a résumé la semaine dernière le président ghanéen John Mahama. "Mais le président Trump a un état d'esprit plus transactionnel", a-t-il souligné, jugeant que les droits de douane pour les pays africains étant d'ores et déjà plus élevés, l'AGOA est "techniquement mort".