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Les concerts de Taylor Swift ont-ils vraiment eu un impact sur l'inflation au Royaume-Uni?

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Certains économistes s'interrogent sur l'impact des dix concerts donnés outre-Manche par l'artiste américaine alors que le niveau de l'inflation a été moins bon qu'espéré en juin.

Paris, Stockholm, Lisbonne... Voilà un peu plus de deux mois que la tornade Taylor Swift déferle sur l'Europe après avoir conquis le reste du monde avec son Eras Tour. Partout où elle passe, la tournée de la popstar, l'une des plus lucratives de tous les temps, dépasse le seul cadre culturel. Son influence est telle que même les économistes se penchent sur le phénomène, usant de néologismes comme "Swiftonomics" ou "Swiftlation" pour le décrypter.

Si ces mots-valise désignant l'impact de la tournée de Taylor Swift sur l'économie ont été inventés aux États-Unis, c'est sans doute chez nos voisins britanniques qu'ils ont été le plus employés ces derniers temps. Là-bas, les économistes tentent de mesurer "l'effet Taylor" sur l'inflation, alors que les derniers chiffres publiés par la Banque d'Angleterre se révèlent quelque peu décevants.

Une hausse des prix de l'hébergement?

Ce ne sont pas les premiers à se prêter à l'exercice: à chaque date de sa tournée, l'artiste attire des milliers de fans venus de plusieurs pays. Des "Swifties" qui prennent d'assaut les hôtels, entraînant un surcroît de demande par rapport à l'offre, et donc une hausse des prix. Les restaurants peuvent aussi être amenés à augmenter leurs tarifs pour profiter de l'événement.

Reste à connaître l'ampleur exacte du phénomène. Est-il si puissant, au point de tirer significativement l'inflation à la hausse? À première vue, pas vraiment: au Royaume-Uni, l'augmentation des prix est restée stable à 2% en juin sur un an, d'après la Banque d'Angleterre. Or, c'est au cours de ce même mois que Taylor Swift a donné une série de dix concerts à Édimbourg, Cardiff, Liverpool et Londres.

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Les hausses de prix le mois dernier ont toutefois été plus soutenues que les attentes des économistes, qui tablaient sur un léger ralentissement de l'inflation à 1,9%. L'inflation sous-jacente (inflation hors énergie et alimentation) comme celle des services étaient par ailleurs attendues en baisse. Elles sont finalement restées stables, respectivement à 3,5% et 5,7%.

Et pour cause: si les prix ont baissé dans certains secteurs comme l'habillement, ils ont "fortement augmenté" dans l'hôtellerie-restauration, a expliqué Grant Fitzner, économiste en chef à l'Office for National Statistics (ONS). En l'occurrence, les tarifs des hôtels ont progressé de près de 9% en juin, alors que la hausse n'était que de 1,7% un an plus tôt. Les prix des billets pour les concerts de l'artiste américaine ont également pu jouer sur le niveau d'inflation un peu moins bon qu'attendu, ces derniers étant pris en compte dans le calcul de l'inflation au moment où l'événement a lieu et non au moment où ils sont achetés.

Impact marginal

Attention toutefois à ne pas surestimer l'impact de la tournée de Taylor Swift qui ne représenterait "qu'une petite partie" de l'inflation dans les services, explique Paul Dales, économiste chez Capital Economics cité par le Guardian. L'économiste en chef de la Deutsche Bank pour le Royaume-Uni, Sanjay Raja, a, lui, indiqué dans une note qu'il était "fort possible" que les concerts de la popstar aient en partie jouer sur le niveau des prix, mais ces effets sont "difficiles" à mesurer avec précision et "pourraient très bien s'inverser le mois prochain".

De son côté, la banque d'investissement TD Securities a jugé que les prix des billets pour les concerts de Taylor Swift avaient probablement freiné la dynamique de désinflation dans les services outre-Manche. Elle se montre en revanche plus prudente sur les prix des hôtels, rappelant que l'ONS a collecté ses données sur les tarifs des chambres le 11 juin. Or, il n'y avait pas de concert ce soir-là, le précédent show ayant eu lieu deux jours plus tôt à Édimbourg et le suivant deux jours plus tard à Londres.

Dans d'autres pays européens, les économistes ont observé un phénomène similaire: les concerts de Taylor Swift peuvent avoir un effet les prix. Mais celui-ci, bien que complexe à estimer, apparaît marginal. Quant à l'impact économique global de la tournée, une étude de la Direction générale du Trésor met en garde contre la "tendance à surévaluer les retombées" de l'Eras Tour "comme c'est le cas pour les Jeux olympiques ou les Coupes du monde". En témoignent les estimations de revenus très disparates qui ont été publiées aux États-Unis (entre 450 millions de dollars selon Bloomberg et 4,1 milliards selon le Washington Post).

La Direction générale du Trésor cite également une analyse de la banque japonaise Nomura qui estime pour sa part que "l'impact macroéconomique de la tournée de Taylor Swift serait plus marqué dans les petites économies que dans les grandes". Ainsi, si l'effet est notable pour les villes hôtes dans les pays développés, il est marginal à l'échelle nationale: de l'ordre de 0,02% du PIB aux États-Unis, de 0,001% du PIB au Japon, de 0,01% en Australie.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco