BFM Business
International

Le Royaume-Uni doit-il se rapprocher de l'UE? Keir Starmer cherche le bon équilibre pour atténuer les effets du Brexit

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, le 15 mars 2025 (photo d'illustration).

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, le 15 mars 2025 (photo d'illustration). - BFMTV

La présidente de la Commission européenne et le président du Conseil européen sont attendus lundi prochain à Londres, avec un rapprochement entre Londres et Bruxelles dans le viseur.

À l'approche d'un sommet avec l'UE, le Premier ministre britannique Keir Starmer doit trouver un difficile équilibre entre sa volonté de renforcer ses liens avec les 27 et la montée de l'extrême droite partisane d'un Brexit dur qui capitalise sur le rejet de l'immigration.

Le chef du gouvernement accueille lundi à Londres la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Antonio Costa pour un sommet inédit qui vise à avancer vers un rapprochement entre le Royaume-Uni et l'UE, à rebours de l'accord négocié par les conservateurs au moment du Brexit.

Que contient l'accord commercial conclu entre les États-Unis et la Chine?
Que contient l'accord commercial conclu entre les États-Unis et la Chine?
3:27

Mais Keir Starmer qui a récemment affiché son "ambition", fait face à deux menaces: d'une part, il risque de donner des munitions au parti anti-immigration et eurosceptique Reform UK dirigé par Nigel Farage, très critique à l'égard de toute remise en question de la sortie de l'UE. Il doit aussi ménager le président américain Donald Trump, avec qui il rêve de conclure un grand traité bilatéral de libre-échange, et qui ne cache pas son inimitié avec l'Union européenne.

"Il marche sur deux cordes raides simultanément", résume Richard Whitman, professeur à l'Université du Kent et spécialiste des relations entre l'UE et le Royaume-Uni. Keir Starmer "doit trouver un équilibre à la fois au plan international et sur cet enjeu de politique intérieure, et c'est ce qui rend la tâche si délicate" pour lui, explique-t-il à l'AFP.

Parti anti-immigration

Le parti anti-immigration Reform UK est l'héritier du Parti du Brexit qui militait pour une rupture totale des liens avec l'UE. Il a gagné du terrain ces derniers mois, en remportant plus de 670 sièges, deux postes de maires et un siège de député lors d'élections en Angleterre début mai. Confirmant ainsi la percée réalisée aux législatives de juillet où il avait fait entrer 5 députés au Parlement (l'un a depuis été exclu du parti).

Reform UK est désormais en tête des intentions de vote au niveau national, selon les sondages, capitalisant sur les inquiétudes des Britanniques au sujet de l'immigration dans un contexte économique difficile.

Keir Starmer espère qu'un rapprochement avec l'UE stimulera la croissance, une de ses priorités. Mais conscient de la sensibilité politique autour du Brexit, il a promis de respecter le résultat du référendum de 2016, répétant qu'il n'y aurait pas de retour dans le marché unique ni dans l'union douanière, pas plus qu'un rétablissement de la liberté de circulation. Il s'est longtemps montré réticent à la proposition européenne d'un programme de mobilité pour les jeunes Européens et Britanniques, même s'il a récemment laissé entendre que Londres était plus ouvert au principe.

Une annonce majeure sur ce volet semble pourtant peu probable lundi, alors que Keir Starmer vient juste de dévoiler des mesures visant à faire baisser "significativement" l'immigration. Annoncer un tel programme "serait un peu périlleux politiquement", confirme Richard Whitman. En revanche, le sommet pourrait aboutir à la signature d'un accord de défense, sujet plus fédérateur en pleine guerre en Ukraine.

"Dépasser les désaccords"

S'il est sous pression de la droite, Keir Starmer doit aussi faire face aux revendications de certains dans sa majorité qui prônent un rapprochement plus marqué avec l'UE. "Nous ne devons pas laisser le Brexit nous empêcher de défendre notre intérêt national", affirme à l'AFP la députée Stella Creasy, à la tête du groupe Labour Movement for Europe. Il faut "dépasser les désaccords et lignes rouges pour chercher à réduire la paperasserie et les lourdeurs administratives auxquelles nous sommes confrontés" depuis le Brexit, ajoute-t-elle.

Selon un sondage réalisé pour le groupe de réflexion Best for Britain le mois dernier, 53% des électeurs au Royaume-Uni pensent qu'une relation plus étroite avec l'UE serait positive pour l'économie britannique. Au sein de l'échiquier politique, le parti Libéral démocrate – troisième force politique, elle aussi en progression – veut rejoindre le marché unique. Tout comme les Verts, à gauche de l'échiquier politique.

"Le Labour a minimisé le risque de perdre des voix sur sa gauche", estime Anand Menon, directeur du groupe de réflexion UK in a Changing Europe. Selon lui, Keir Starmer – qui avait voté contre la sortie de l'UE en 2016 – peut se permettre d'être plus audacieux et moins "sur la défensive", grâce à sa très confortable majorité, là où Reform UK n'a que cinq députés.

J. Br. avec AFP