Il a rangé sa tronçonneuse: après un cuisant revers électoral (malgré 5% de croissance), le président argentin va augmenter les dépenses de retraites et de santé

Javier Milei brandissant une tronçonneuse lors d'un rassemblement au cours de sa campagne pour l'élection présidentielle argentine, à La Plata, dans la province de Buenos Aires, en Argentine, le 12 septembre 2023. - MARCOS GOMEZ / AG LA PLATA / AFP
Le président ultralibéral argentin Javier Milei a adouci son ton après une gifle électorale, assurant, lundi 15 septembre, que "le pire est passé" sur les mesures d'austérité budgétaire, et promettant des gestes pour les retraites, l'éducation et la santé dans son budget 2026.
"L'équilibre budgétaire reste la pierre angulaire de notre programme", et est "non-négociable", a martelé Javier Milei, dans une allocution télévisée présentant les grandes lignes du budget 2026. Mais "nous comprenons que beaucoup (d'Argentins) n'ont pas encore ressenti dans leur réalité matérielle" le "succès de notre gestion", a-t-il ajouté, dans une concession peu commune. "Rome ne s'est pas faite en un jour", a-t-il commenté.
Des concessions après une gifle électorale
La présentation du budget, le deuxième en 21 mois de présidence de Javier Milei, intervient dans un contexte épineux pour l'exécutif, huit jours après un cuisant revers électoral dans l'importante province de Buenos Aires.
Il y a été devancé de 14 points par l'opposition péroniste (centre-gauche) dans un scrutin régional, perçu comme un test sérieux en vue des législatives nationales de mi-mandat fin octobre. Milei a reconnu une "claire défaite".
"Nous savons que le chemin est ardu, mais nous savons que le cap est le bon", a lancé lundi le chef de l'Etat, dans un ton moins vindicatif qu'à l'accoutumée, et avec des références aux "plus vulnérables", aux "énormes efforts consentis par tous" mais qui "valent la peine".
"C'est la seule voie pour que l'Argentine sorte définitivement du cycle de désillusions consécutives que nous vivons depuis des décennies", a-t-il conclu.
Inflation en baisse et croissance en hausse
Javier Milei n'a pas formulé d'objectif chiffré dans son allocution, préalable à l'envoi du projet de loi de budget pour débat au Parlement -où il est minoritaire. Mais selon le document transmis au Parlement, qui a filtré dans des médias dont l'AFP, le gouvernement mise sur une inflation de 10,1% en 2026 -contre 19,5% pour les huit premiers mois de 2025. Il prévoit également une croissance de 5% (contre 4,5% selon les dernières projections du FMI).
La présentation du budget 2026 intervient dans un contexte d'inquiétude des marchés financiers concernant le maintien du cap économique, mais aussi le peso, monnaie argentine qu'ils considèrent surévaluée. Lundi, le peso sous pression a flirté avec le plafond de sa bande de flottement prévu, à 1.475 peso pour un dollar.
Vainqueur surprise de la présidentielle 2023 sur une formule dégagiste "anti-caste", Javier Milei s'est attelé depuis, comme promis, à une "thérapie choc": une drastique austérité budgétaire, qui a notamment vu la suppression de 53.000 emplois publics, et le définancement de secteurs comme les chantiers publics, les retraites, l'éducation, la santé.
Concernant ces secteurs, source des plus fortes oppositions -et mobilisations de rue- contre la politique du gouvernement, Javier Milei a promis pour 2026 un geste: une hausse des dépenses sur les retraites de 5 points de pourcentage au-dessus de l'inflation, de 17 points pour la santé, et de 8 points pour l'éducation.
L'opposition fustige le "disque rayé" de Javier Milei
La stabilisation macro-économique, en particulier l'inflation spectaculairement jugulée -de 211% en interannuel à fin 2023, à 33,6% actuellement-, s'est faite au prix d'un ralentissement de l'économie (récession de 1,8% en 2024), et d'une consommation anémiée.
Il y a des secteurs de l'économie "qui sont restés un peu à la traîne par rapport à la réactivation" de l'économie, a dû reconnaître le porte-parole présidentiel Manuel Adorni au lendemain de la gifle électorale.
"Disque rayé (...) 'le pire est passé' fait partie des phrases rebattues de la droite argentine", a réagi lundi soir Axel Kicillof, gouverneur péroniste de la province de Buenos Aires, et perçu comme l'espoir -le seul- présidentiable d'une opposition encore sous le choc du "tsunami Milei" de 2023.
"Le problème de Milei, c'est qu'il a vendu des faux bijoux en campagne, disant qu'il allait faire une politique originale, novatrice, un ajustement n'affectant que 'la caste'" mais qui au final a affecté les retraités et d'autres, a-t-il accusé.
Juan Luis Bour, économiste de la Fondation de recherches économiques latino-américaines, a expliqué à l'AFP percevoir dans les annonces de Milei des "défis", pour "maintenir un équilibre budgétaire d'ensemble", "particulièrement dans le contexte d'une économie qui croît peu, et d'un risque pays si élevé".