Élections au Canada: l'effet Trump est en train d'inverser le résultat attendu

Souvenez-vous, en début d’année, l’affaire semblait pliée. Le chef de file des conservateurs, Pierre Poilièvre, se voyait déjà dans le fauteuil de Premier ministre. Et pour cause, pendant plus d’un an, son parti a eu 20 points d’avance sur les libéraux. Mais le temps de l’alternance n’est peut-être pas encore venu.
À quelques jours du scrutin, le parti de Justin Trudeau, toujours au pouvoir, culmine autour de 43% dans les sondages, cinq points devant les conservateurs, passés donc du statut de grands favoris à celui d'outsiders.
Une image de "mini-Trump"
On assisterait à un effet Trump. Pour les spécialistes de la politique canadienne, cela ne fait aucun doute: le retour du républicain à la Maison Blanche a torpillé l’ascension de Pierre Poilièvre.
Pourquoi? Parce qu’en termes d’image, il n’est pas bon d’être associé à celui qui vous déclare une guerre commerciale et menace d’annexer votre pays.
Et Poilièvre peine à se débarrasser de son image de "mini-Trump". En 2022, il avait remporté la direction de son parti grace à sa rhétorique populiste. Ouvertement anti-immigration, il promettait de mettre fin au wokisme ainsi qu’aux politiques des libéraux sur le changement climatique. Son slogan à l’époque: "Le Canada d’abord".
"Les Canadiens pensent qu'il est comme Trump. Ce qu'il dit et la façon dont il le dit les rebutent de la même manière que Trump les rebute", explique David Coletto, directeur général d'Abacus Data, un institut de sondage national.
Vaine distanciation
Pourtant Pierre Poilièvre essaye inlassablement de se distancer de Trump. Il va jusqu’à invoquer son enfance.
"Donald Trump est né dans une famille très fortunée et moi dans un milieu très modeste", a-t-il déclaré dans une interview récemment.
Le chef des conservateurs a durci son discours à l’égard du président américain. "Nous n'avons pas grand-chose en commun. Je suis en désaccord avec beaucoup de ses politiques", se défend-il.
Tentatives vaines de freiner sa chute dans les sondages. Selon les analystes politiques, Pierre Poilièvre "n’a pas réussi à redéfinir sa stratégie de communication". Il s’est aussi montré incapable ces derniers mois d’élargir sa base, ce dont il a besoin pour obtenir une majorité.
"Calme et pragmatique"
À l’inverse, le retour de Trump sert jusqu’ici les libéraux. Mark Carney, qui dirige actuellement le gouvernement, surfe sur la vague anti-Trump qui traverse le pays. Bien que novice en politique, cet ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre rassure et les Canadiens ont besoin d’être rassurés.
Réputé "calme et pragmatique", il se présente comme l’homme de la situation: "J'ai beaucoup d'expérience en matière gestion de crises", se targue-t-il, rappelant qu’il a guidé le Canada pendant la crise financière de 2008 et le Royaume-Uni pendant le Brexit.
L’économie est au cœur de cette campagne et la situation est "plus mauvaise que jamais", s’alarme Pierre Poilièvre. Le conservateur espère toujours que sa stratégie, qui est de faire endosser le bilan de Justin Trudeau à son adversaire, se révèlera payante.
Rien n’est joué, l’écart reste faible. On devrait savoir lundi soir à qui a profité le retour de Trump sur la scène politique.