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Défense ou environnement? Comme la France, le Royaume-Uni tiraillé dans ses choix budgétaires, entre tensions géopolitiques et finances exsangues

Downing Street a annoncé la nomination de Rachel Reeves au poste de "Chancelière de l'Echiquier", son titre traditionnel

Downing Street a annoncé la nomination de Rachel Reeves au poste de "Chancelière de l'Echiquier", son titre traditionnel - Paul ELLIS

Le gouvernement travailliste devrait tailler dans les dépenses de nombreux ministères pour faire des économies. Deux seraient néanmoins épargnés: la défense et la santé.

La défense verra son budget augmenter au Royaume-Uni, la santé aussi, mais d'autres ministères devront se serrer la ceinture: tiraillée entre tensions géopolitiques croissantes et finances publiques contraintes, la ministre des Finances britannique Rachel Reeves dévoilera mercredi des arbitrages redoutés.

Dès le retour au pouvoir des travaillistes en juillet dernier, Rachel Reeves avait lancé un passage en revue détaillé des dépenses gouvernementales. Elle doit désormais annoncer, parmi les ministères, les gagnants et les perdants des années à venir. "Des arbitrages radicaux sont inévitables", résume le très respecté Institut des études budgétaires (IFS), qui anticipe "des coupes" en dehors de deux priorités: la défense et la santé.

La presse britannique a évoqué ces derniers jours de rudes discussions de dernière minute entre le Trésor et les ministères de l'Intérieur (budget de la police) ou encore de l'Energie (craintes pour les engagements écologiques du Royaume-Uni).

Davantage d'emprunts

La chancelière de l'Echiquier, titre officiel de Rachel Reeves, a déjà tranché dans les dépenses à hauteur de plusieurs milliards de livres, lors d'une présentation budgétaire en mars, rognant dans les aides pour les personnes handicapées ou les coûts de fonctionnement de l'administration centrale, réduits de 15%. D'autres efforts seront nécessaires: la ministre s'est engagée à revenir à l'équilibre sur les dépenses de fonctionnement du gouvernement et a pour cela fortement augmenté les cotisations patronales à l'automne, s'attirant les foudres des entreprises.

Le service public de santé (NHS), sous-financé depuis des années mais extrêmement coûteux, s'est déjà vu promettre une hausse des dépenses courantes à court terme. La ministre devrait annoncer une nouvelle augmentation allant jusqu'à 30 milliards de livres (36 milliards d'euros) étalée sur trois ans, selon le journal The Times.

Rachel Reeves a en parallèle lâché la bride sur l'investissement, modifiant à l'automne les règles budgétaires pour s'autoriser davantage d'emprunts notamment pour développer les infrastructures. Une manne de 113 milliards de livres (134 milliards d'euros) d'investissement supplémentaire sur cinq ans, qu'il faut répartir. "Les investissements publics devraient être à des niveaux historiquement élevés dans les années à venir", selon l'IFS. "Bien dépensé, cet argent devrait contribuer à la croissance et à de meilleurs services publics."

Le gouvernement a notamment annoncé dimanche que 86 milliards de livres (102 milliards d'euros) seraient investis d'ici 2030 dans les sciences et technologies ou encore la défense. Mais "si les politiques destinées à stimuler la croissance et le NHS restent des priorités", la défense va se tailler la part du lion, affirme à l'AFP Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown, rappelant que le président américain Donald Trump "a mis en doute sa volonté de défendre les alliés de l'Otan" et que l'Europe est "confrontée à la menace russe". Londres a déjà annoncé porter le budget de la défense à 2,5% du PIB d'ici 2027, et jusqu'à 3% à horizon 2034, au détriment du budget dédié à l'aide internationale au développement. Le pays pourrait encore accélérer.

Augmentations d'impôt

Parmi les autres investissements attendus, le gouvernement a déjà annoncé plus que doubler les sommes dédiées aux transports publics dans les régions urbaines d'Angleterre et la presse britannique évoque une possible annonce sur le projet de nouvelle centrale nucléaire Sizewell C, porté par le français EDF. Sous pression de sa majorité travailliste, la chancelière est déjà revenue lundi sur la suppression, décidée à l'automne dernier, d'une aide au chauffage universelle pour les retraités, en relevant le seuil d'obtention pour qu'elle bénéficie à la grande majorité d'entre eux.

Rachel Reeves réfléchirait aussi à la suppression d'un plafonnement des allocations familiales. Mais ces largesses auront un coût, préviennent les économistes, dans un contexte de croissance poussive, sous pression de la guerre commerciale lancée par les États-Unis.

Si Rachel Reeves "veut éviter un retour de flamme politique" après les sévères coupes dans les dépenses ou "une réaction négative sur les marchés financiers" avec des emprunts massifs destinés à investir, "elle n'aura probablement pas d'autre choix que d'augmenter les impôts dans le budget d'automne", affirme Ruth Gregory, de Capital Economics. Une option que Mme Reeves a jusqu'ici toujours écartée.

P.L. avec AFP