Cryptomonnaies, voitures électriques: quand Donald Trump multiplie les revirements économiques

"Je suis pour les voitures électriques, je dois l'être parce qu'Elon m'a fortement soutenu." Donald Trump, soutien inattendu des voitures électriques? Ce n'est pas une parodie. Le candidat républicain à la Maison Blanche a bel et bien apporté son soutien au secteur lors d'un meeting à Atlanta (Géorgie), le 3 août dernier.
Un revirement, après avoir lourdement critiqué l'industrie de la voiture électrique, qu'il considère liberticide et contrainte aux voeux des Américains. Il avait ainsi promis un "bain de sang" à l'industrie automobile, en termes d'emploi, si les voitures électriques venaient à se généraliser. L'électrification risque en effet, en déplaçant la valeur du véhicule vers la batterie et en diminuant le nombre de pièces, de réduire la quantité d'emplois utiles dans ce secteur - les équipementiers, notamment, s'en inquiètent.
Donald Trump s'érigeait donc en pourfendeur de la transition, jusqu'à il y a peu. Il souhaitait notamment couper tout soutien aux véhicules électriques - Joe Biden avait surtout pour l'instant rendu plus strictes les réglementations concernant les véhicules thermiques.
Il veut désormais des investissements massifs pour bâtir un réseau de stations de recharge pour les véhicules électriques -9 billions de dollars, soit 9.000 milliards, un chiffre qui n'est repris par personne d'autre, ni à la Maison Blanche, ni parmi les industriels. L'administration Biden avait elle apporté son soutien à la construction de 500.000 bornes de recharge, alors qu'il en faudrait 28 millions aux Etats-Unis.
Trump, ce "crypto bro"
Donald Trump a également effectué ces derniers mois un virage à 180 degrés concernant les cryptomonnaies. Alors qu'il avait longtemps critiqué ces actifs, à l'image des milieux financiers traditionnels et d'un Warren Buffett, l'ex-président candidat a prêté allégeance ces derniers mois. Il a soutenu le "droit à la conservation auto-hébergée" des Américains, et s'est exprimé au sommet Bitcoin2024 fin juillet à Nashville.
Il faut dire que le parti républicain, et notamment son aile droite, a des affinités électives avec le projet Bitcoin. Le projet de monnaie numérique porté depuis 2022 par les autorités financières américaines ont permis aux deux camps de se rejoindre sur une volonté de protéger les données et la propriété privée, loin de toute régulation.
Donald Trump a aussi appuyé le minage aux Etats-Unis, souhaitant que tous les futurs bitcoins sont produit dans le pays. Un positionnement qui permet de séduire les acteurs de l'écosystème et d'une frange de la tech américaine. Ainsi, il a accepté les donations en crypto pour sa campagne, ce qui lui a permis d'engranger dans la foulée un don d'un million de dollars de la part de Tyler Winklevoss, gestionnaire avec son frère jumeau Cameron de Gemini, l'un des principaux fonds d'investissement crypto.
Dotations tech
Ces revirements ne doivent rien au hasard: si les proximités latentes entre le très libéral Donald Trump et la sphère libertarienne de la Silicon Valley pouvaient être exploitées, ce sont bien les soutiens financiers apportés par ces acteurs économiques qui ont précipité les changements d'attitude de l'ancien président américain.
Ainsi des financements apportés par Elon Musk à America PAC, un "comité d'action politique", révélés par le Wall Street Journal. L'homme le plus riche du monde est annoncé en tant que contributeur, de 45 millions de dollars par mois jusqu'à l'élection, à ce fonds destiné à financer la campagne Trump. Les jumeaux Winklewoss, ou le fondateur de Palantir Joe Lonsdale, ont aussi mis au pot. Les fondateurs du plus grand fonds de la tech américain, Andreessen Horowitz, ont eux aussi apporté un soutien matériel et idéologique au camp républicain.
Ces nouveaux soutiens dirigent donc les intentions programmatique de Donald Trump. Rappelons qu'aux Etats-Unis, le soutien direct aux partis est interdit, mais que les donateurs peuvent donc passer par des comités d'action politique, véhicules militants. Leur plafond a été supprimé en 2010 et les dons sont donc libres. Jusqu'ici, c'est le banquier Timothy Mellon qui détient le record du don le plus important de cette campagne - 50 millions de dollars en faveur de Trump. Elon Musk, lui, nie les informations du WSJ et toute proposition de poste de conseiller pour la future administration Trump 2, également évoquée dans la presse américaine.
Dans l'énergie, rien de nouveau
Les volte-faces sur la tech et l'automobile ne feront pas oublier qu'une partie des grands technophiles américains ont maintenu leurs soutiens au parti démocrate, du fondateur de LinkedIn Reid Hoffmann au milliardaire Vinod Khosla, actionnaire d'OpenAI, qu'Elon Musk a pris à parti sur X.
En outre, Donald Trump n'est pas devenu progressiste sur toutes les technologies "vertes". S'il soutient une électrification du parc automobile, Donald Trump reste attaché à une politique énergétique très conservatrice. Le cabinet spécialisé Wood Mackenzie a par exemple calculé que son élection coûterait au secteur des énergies renouvelables près de 1.000 milliards de dollars d'investissements, sur les 7.700 nécessaires à la transition d'ici 2050.
"Les émissions de carbone des États-Unis pourraient augmenter, ce qui mettrait l'objectif de zéro net hors de portée dans notre scénario de transition retardée" soulignait son directeur David Brown auprès de Reuters.
Après la tentative d'assassinat déjouée sur Donald Trump, certaines entreprises des renouvelables ont perdu près de 10% en bourse, signe d'une inquiétude puisque cette nouvelle renforçait les chances de voir le Républicain entrer à la Maison Blanche.