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Accord UE-Mercosur: que sont ces "mesures de sauvegarde" qui suspendraient l'accord et que Bruxelles propose pour calmer la France?

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Pour convaincre la France de donner son aval à l'accord commercial entre l'UE et les pays sud-américains du Mercosur, la Commission européenne s'est engagée à proposer un "acte juridique" activant les mesures de sauvegarde prévues par le texte.

Alors qu'une nouvelle étape a été franchie, Bruxelles tente d'amadouer la France sur l'épineux dossier de l'accord commercial UE-Mercosur. La Commission européenne a officiellement soumis aux États membres le texte du vaste accord commercial entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), faisant un geste envers Paris en promettant des "garanties solides" pour protéger les agriculteurs du Vieux continent.

L'exécutif européen, encouragé par l'Allemagne, l'Espagne et le Portugal, pousse les Vingt-Sept à approuver rapidement l'accord commercial avec les quatre pays du Mercosur. Jusqu'ici, la France a toutefois mené une fronde contre le texte "en l'état actuel" et réclamé des ajustements pour protéger les secteurs agricoles exposés à la concurrence sud-américaine, gagnant à sa cause quelques voisins, principalement la Pologne, pour tenter de lui faire barrage au travers d'une minorité de blocage.

"Circonstances exceptionnelles"

Si la France n'a pas le pouvoir de s'y opposer seule, même avec le soutien de la Pologne, elle reste une pierre gênante sur la route de l'accord UE-Mercosur, d'autant plus que les réticences françaises s'ajoutent aux protestations d'agriculteurs un peu partout en Europe. Pour obtenir l'aval de Paris, Bruxelles a sorti la carte des mesures de sauvegarde, théoriquement prévues par le traité commercial, qui devront protéger les "produits européens sensibles", c'est-à-dire le bœuf, le sucre et la volaille.

Les Experts : Mercosur, l'UE pousse pour l'accord - 03/09
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"Nous avons écouté attentivement nos agriculteurs et nos États membres", a affirmé ce mercredi après-midi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur le réseau social X.

"Nous avons mis en place des garanties encore plus solides – juridiquement contraignantes – afin de les rassurer et de leur donner la confiance nécessaire pour soutenir cet accord", a-t-elle promis.

Le chapitre 9 du texte donne le droit aux deux parties de recourir à des "mesures de sauvegarde" en cas de "circonstances exceptionnelles", c'est-à-dire une forte hausse des importations – depuis l'Amérique du Sud vers l'Europe, de notre côté de l'Atlantique – de nature à "causer un préjudice grave" à la production nationale d'un ou plusieurs États membres. Cela concernerait, par exemple, une grande quantité de bœuf argentin à moindre prix qui affluerait soudainement sur le marché français.

Baisse des prix, hausse des arrivées

Ces mesures de sauvegarde ont pour objectif d'offrir un répit aux producteurs déstabilisés en réduisant la pression des importations. Si elles sont effectivement inscrites dans l'accord UE-Mercosur, un "acte juridique" est nécessaire pour "activer" le chapitre 9 et qu'elles puissent être pleinement opérationnelles au sein de l'Union européenne. Ce mercredi, la Commission européenne s'est ainsi engagée à présenter cet acte juridique activant les clauses de sauvegarde prévues par le traité.

Selon les promesses de Bruxelles, ce document l'engagerait à "suivre de près" l'évolution des prix et des importations pour identifier les risques à l'avance, ainsi qu'à ouvrir une enquête "sans délai" à la demande d'un État membre "lorsqu'il existe des éléments de preuve suffisants", par exemple une hausse annuelle de plus de 10% des importations d'un produit en provenance d'Amérique du Sud si, en parallèle, le prix à l'importation est inférieur de 10% au prix moyen du même produit européen.

En cas de demande d'intervention d'un État membre, des mesures de sauvegarde provisoires seraient appliquées sous cinq jours maximum, avant une conclusion définitive de l'enquête sous quatre mois. Si l'enquête confirme le préjudice, la mise en œuvre des mesures de sauvegarde se traduirait par une suspension du calendrier de réduction des droits de douane ou un abaissement des droits de douane préférentiels au niveau du taxe de base ou de la clause de la nation la plus favorisée (NPF).

Telles que présentées par Bruxelles, ces mesures de sauvegarde s'appliqueraient aux produits agricoles "sensibles" soumis à des quotas d'importations aux droits de douane réduits, soit la volaille, la viande bovine, le sucre, le riz, le miel et l'éthanol. Elles pourraient être appliquées pour une durée maximale de quatre ans.

Convaincre encore la France

L'ajout de ces dispositions via l'acte juridique demandera le feu vert du Parlement européen et du Conseil européen, mais il n'obligera pas les Européens à renégocier le texte avec leurs partenaires du Mercosur, qu'il faudra tout de même rassurer, n'ayant jamais caché leur inquiétude d'une éventuelle brèche dans l'équilibre trouvé par les deux parties en décembre dernier. Reste à savoir si ces mesures de sauvegarde rempliront leur principale mission: rassurer la France.

Se félicitant d'un "élément nouveau" obtenu "à l’initiative de la France", la ministre française de l'Agriculture a déclaré mercredi soir auprès de la presse "garder la même position" au sujet de l'accord UE-Mercosur "car certaines de nos filières agricoles ne peuvent [en] être la variable d’ajustement". "Ces garanties nouvelles devront être pleinement opérationnelles" et "applicables sur le terrain", a nuancé Annie Genevard avec prudence, appelant à les accompagner de "mesures miroir".

"Le combat continue: notre position reste ferme, la défense de notre agriculture n’est pas négociable", a affirmé la ministre de l'Agriculture.

Le gouvernement a encore "besoin d'analyser cette clause de sauvegarde", avait indiqué un peu plus tôt dans la journée la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, à la sortie du Conseil des ministres.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV