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Faut-il totalement arrêter certaines activités professionnelles en cas de canicule?

Avec les chaleurs extrêmes, les salariés du BTP sont les plus exposés aux accidents du travail.

Avec les chaleurs extrêmes, les salariés du BTP sont les plus exposés aux accidents du travail. - Valentine Chapuis

Alors que certains syndicats et partis d'opposition plaident pour de nouvelles dispositions du Code du travail sur les fortes chaleurs, le gouvernement et les organisations patronales préfèrent que les branches s'emparent du sujet.

Commencer le travail plus tôt? Réduire les journées de travail? Ou aller plus loin en obligeant certaines entreprises de cesser leur activité, notamment celles du BTP? Alors que la France subit des températures caniculaires depuis quelques jours, la question des conditions de travail devient un enjeu politique en cette fin de période de vacances.

Le gouvernement, qui a publié en juin un guide de prévention des risques liés aux vagues de chaleur, est mis sous pression par l'opposition et les syndicats de salariés. Avec en ligne de mire, un Code du travail qui serait trop timoré sur le sujet.

"Il y a des aménagements dans l'organisation du travail mais seulement quand il y a des conditions hivernales difficiles, déplore ainsi Nathalie Bazire, la secrétaire confédérale de la CGT. Il y a des dispositions comme l'article L4121-1 du Code du travail qui oblige l'employeur à prendre des mesures pour assurer la sécurité des salariés, mais ce n'est pas toujours bien respecté."

La CGT plaide pour des aménagements plus stricts de la législation en la matière avec des seuils précis de température au-delà desquels les employeurs seraient contraints de revoir leur organisation. Une mesure qui existe chez certains de nos voisins européens et qui fait d'ailleurs l'objet d'une proposition de loi déposée par des députés de La France insoumise en juillet dernier.

"Au dessus de 28°C en extérieur et de 30°C en intérieur, il devrait y avoir la possibilité de bénéficier d'un congé ou de commencer le travail plus tôt, vers 5 heures du matin", indique la responsable de la CGT.

47 décès au travail

Le gouvernement ne semble pas fermé aux aménagements des horaires de travail. Ce mardi sur BFMTV, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a reconnu qu'il y avait une logique "à aller vers des journées réduites quand on atteint certains niveaux de température comme ceux qu'on atteint."

Pour autant, l'exécutif est frileux à passer par la voie législative en fixant des seuils de température dans le Code du travail par exemple.

"Ces propositions sont de fausses bonnes idées, estimait ce mercredi le ministre du Travail Olivier Dussopt sur BFMTV. Dire qu'on arrête de travailler à partir d'une certaine température, ça ne tient pas. […] On ne peut pas organiser le temps de travail autour d'un thermomètre. On préfère faire le choix de la responsabilité avec des contrôles de l'Inspection du travail."

Les employeurs sont tenus d'assurer les conditions de sécurité de leurs salariés, ce qui se traduit dans certains secteurs comme le BTP par l'accès à l'eau, à des lieux de repos ombragés, voire des suspensions de chantier.

"Ça doit rester au chef d'entreprise d'aménager le travail en cas de canicule, estime Jean-Eude Du Mesnil, le secrétaire général de la CPME. Et c'est déjà le cas. Évidemment que les entreprises n'envoient pas leurs salariés sur des chantiers quand il fait 40°C dehors. Je ne dis pas que ça n'existe pas mais je n'en ai jamais vu."

Pourtant, les accidents du travail liés aux fortes chaleurs, s'ils sont peu nombreux, existent tout de même. Santé publique France estime que 47 travailleurs ont perdu la vie entre 2017 et 2022 à cause des conditions de température. Des chiffres qui ne prennent en compte que les décès étant survenu sur le lieu de travail et qui pourraient être sous-estimés.

"Dans le BTP, en 2021-2022, l'oganisme OPPBTP dénombre 30 décès dont 12 sont survenus en extérieur et dont on peut suspecter que les fortes chaleurs soient en cause, relève Rui Portal, le secrétaire général de la fédération Construction-Bois de la CFDT. Les entreprises s'adaptent pour la plupart mais certains employeurs se contentent de donner trois bouteilles d'eau et se disent 'c'est bon, ils ont de quoi boire'."

Des congés pour les canicules?

De son côté, la CFDT pousse plutôt pour des négociations de branches en incluant les fortes chaleurs dans un dispositif déjà existant, celui des intempéries.

"Il doit y avoir des compensations financières pour les entreprises et les salariés dans les périodes de canicule, estime Rui Portal. Il existe déjà une caisse de congés dans le BTP pour les intempéries. Mais les employeurs ne veulent pas discuter de cette question-là."

L'idée serait d'inciter les entreprises à mettre leurs salariés en congés d'office et sans frais quand les températures ne permettraient plus d'exercer l'activité. Une proposition pour laquelle certaines organisations patronales comme la CPME ne ferment pas la porte.

"Si les branches veulent s'engager sur cette voie-là, pourquoi pas, on peut discuter, avance Jean-Eude Du Mesnil. Mais ça doit se faire par secteur d'activité. Cela n'a pas de sens de dire, comme certains députés, qu'on arrête tous de travailler quand on atteint certaines températures."

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco