Que cache l’effondrement des crédits à la consommation?

Les crédits à la consommation en France sont en forte baisse. - BFM Business
Ce que nous signalons depuis quelques années a récemment été assez largement souligné par les médias: les Français n’ont jamais eu aussi peu recours au crédit qu’aujourd’hui.
Bien entendu, il est difficile de ne pas rapporter ce constat aux incertitudes et difficultés du contexte politique et économique actuel, lequel suscite le report de nombreux projets (notamment en matière d’acquisition de nouveaux véhicules), donc moins de crédits, en même temps qu’une recrudescence du surendettement pour les foyers aux revenus les plus modestes (10,8% de dossiers en plus en 2024). Cependant, la conjoncture explique surtout le manque de dynamisme de la demande de crédits. Ce qui peut masquer des tendances fortes, lesquelles apparaissent particulièrement si l’on suit comme critère le nombre de ménages emprunteurs sur le temps long.
Un crédit immobilier qui stagne
Il apparaît ainsi que le crédit immobilier stagne, bien plus qu’il ne recule, depuis quelques années. En effet, selon le 37ème rapport annuel (novembre 2024) de l’Observatoire des crédits aux ménages, 29,7% des ménages détenaient un crédit immobilier en France fin 2024. Ils étaient 30,5% en 2010. Sachant que, depuis cette date, cette proportion a atteint au plus 31,4%, on ne peut parler d’un fort recul. Les éléments conjoncturels expliquent l’essentiel de l’attrition actuelle de la demande de crédits et le marché semble pouvoir rebondir avec l’évolution des mêmes éléments, comme une baisse des taux d’intérêt.
12,2% des ménages ont un crédit à la consommation
Le constat est tout à fait différent, en revanche, pour les crédits à la consommation. Leur taux de détention par les ménages recule pour la 7ème année consécutive à 19%, c’est-à-dire à un niveau encore jamais enregistré. En regard, il y a quinze ans, 30,5% des ménages détenaient un crédit à la consommation.
Malgré quelques rebonds, ce pourcentage n’a cessé de se réduire régulièrement depuis. Désormais, alors que près de 13 millions de ménages portent des crédits, ils ne sont plus que 3,76 millions à détenir un crédit à la consommation seulement, soit 12,2% des ménages. La tendance qui doit être considérée est en fait celle d’une quasi-disparition de clientèle pour ce type de produit.
L'effondrement des cartes magasin
Depuis 2011, le pourcentage de ménages détenant une carte magasin (émise par une grande surface ou un organisme de crédit) est ainsi passé de 6,3% à 2,4%; ce qui est le taux d’un produit de niche ou en voie de disparition et non celui d’une offre capable de représenter une alternative aux crédits bancaires. Sachant que ceux-ci s’effondrent également puisque la part des ménages qui y ont recours est passée de 20,4% en 2011 à 13,4% aujourd’hui (sur les 19% de ménages qui détiennent un crédit à la consommation, en plus d’un crédit immobilier ou non).
De nouveaux usages
Derrière ces chiffres, on devine des substitutions de produits et d’usages – et particulièrement la concurrence du recours aux paiements fractionnés - ainsi que des évolutions profondes concernant le niveau et l’emploi des revenus chez les populations ayant potentiellement le plus recours au crédit à la consommation, comme les jeunes. Il convient encore de prendre en compte, comme nous l’avons signalé il y a un peu moins d’un an, une plus forte maturité sans doute dans la gestion de leur budget chez nombre de Français, dans un contexte de fortes incertitudes économiques.
Si l’on considère que l’endettement total des ménages représente 61,4% du PIB français (les encours de crédits immobiliers représentent 84% de ce total), contre 65,7% en 2022 et surtout contre 53,6% en moyenne dans les pays de l’UE, on peut se demander si, portée par de nouveaux usages, une tendance forte ne nous détache pas des modèles anglo-saxons (l’endettement des ménages représente 78% du PIB britannique et 99% du PIB américain) vers un recours moins immédiat, moins nécessaire au crédit.
Les banques françaises qui, au vu de leurs bons résultats d’ensemble en 2024, se sont récemment empressées d’annoncer que leurs activités de détail en France étaient sauvées – ce qui est discutable – ont-elles aujourd’hui les moyens de faire face à une telle évolution?