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Guillaume Almeras

HSBC France: les banques de détail ne valent-elles vraiment plus rien?

Via sa filiale bancaire en France My Money Group, le fonds américain Cerberus va le reprendre à HSBC non seulement pour 1 euro symbolique

Via sa filiale bancaire en France My Money Group, le fonds américain Cerberus va le reprendre à HSBC non seulement pour 1 euro symbolique - Philippe Huguen - AFP

[AVIS D'EXPERT] HSBC France revendu au fonds américain Cerberus pour un euro symbolique. Pour notre expert Guillaume Alméras, cette vente est avant tout la preuve que la banque est une activité industrielle et nécessite de la productivité, un savoir-faire et des investissements. Explications.

244 agences, 3 900 collaborateurs, 800 000 clients, 24 milliards d'euros d’actifs dont 18,9 milliards de prêts à la clientèle (sains, avec un taux de NPL de 1,2%), 19 milliards de dépôts: tout cela ne vaut rien!

Force est de l’admettre puisque tout cela, via sa filiale bancaire en France My Money Group, le fonds américain Cerberus va le reprendre à HSBC non seulement pour 1 euro symbolique, mais avec un engagement sur la valeur de l’actif net qui pourra obliger HSBC à débourser jusqu’à 1,6 milliard d'euros.

Au total, la cession de son réseau d’agences et d’une large partie de ses activités en France pourrait coûter près de 2 milliards d'euros au groupe britannique d’ici 2023. C’est qu’en 2020, ces activités ont généré des pertes à hauteur d’un milliard d'euros.

Un gâchis? Certainement, si l’on considère que se termine ainsi la reprise du Crédit Commercial de France, pour lequel, en 2000, HSBC avait déboursé 11 milliards d'euros. Mais cela n’explique rien. Un dossier qui traduit la mauvaise santé générale des banques comme, bien entendu, on ne manque pas de le laisser entendre? Non, les déboires d’HSBC en France sont bien spécifiques. La faute de la faiblesse des taux, autre explication courante? Non plus, même si elle n’arrange rien.

La banque est une industrie

En fait, le dossier est particulièrement intéressant en ce qu’il souligne que la banque est une industrie. On le sait, on le répète mais on en tient finalement assez peu compte – notamment dans l’évaluation actuelle de nombreuses néobanques et fintechs, dont les résultats sont aussi faibles que les investissements qu’ils attirent sont élevés, ce qui ne parait pas du tout gênant.

Car c’est bien un échec industriel qu’HSBC a subi en France. Au début de la décennie 2010, le coefficient d’exploitation (le ratio charges d’exploitation/produit net bancaire) de l’établissement, supérieur à 80%, n’était guère supportable. Et, dans de telles conditions, le PNB et la base de clientèle tendant à se restreindre tout au long de la décennie, le résultat était inévitable. Ce que traduit finalement la hauteur des pertes récentes. Tout cela s’explique d’abord par une productivité insuffisante, qui met elle-même en cause le savoir-faire industriel qui aura été mobilisé. Cerberus le reconnait: le système d’information doit être entièrement remis à niveau et le fonds s’est engagé à y consacrer au moins 200 millions d'euros. Les processus doivent être revus et optimisés.

Dès lors, HSBC ne réalise sans doute pas une si mauvaise affaire. Car, seul dans ce cas parmi les plus grands groupes bancaires à ce stade, l’établissement a décidé que l’acquisition d’un tel savoir-faire dans le domaine de la banque de masse n’était plus pour lui une orientation stratégique valable. C’est pourquoi il se retire de cette activité dans plusieurs pays, en se recentrant tout à la fois géographiquement, en même temps que sur certaines clientèles et activités. Ainsi ne quitte-t-il pas exactement la France mais y conserve ses activités d’assurances et de gestion d’actifs, qu’il pourra continuer à proposer à travers son ancien réseau via un accord de partenariat avec My Money Group.

Les banques américaines font leurs emplettes en Europe

En revanche, que va faire Cerberus? Certes, avec la banque autrichienne Bawag (reprise en 2007) notamment, le fonds a montré qu’il pouvait redresser un établissement. Et certes, compte tenu des conditions financières de la cession, Cerberus va pouvoir investir sans supporter parallèlement des pertes importantes les deux premières années. Mais ce savoir-faire industriel qui en l’occurrence a fait défaut, où va-t-il le trouver?

Dans les circonstances actuelles et compte tenu du profil du repreneur, on peut penser que des solutions innovantes d’open banking seraient quasi incontournables. Cela orienterait vers une large redéfinition de l’expérience client. Mais My Money Group, qui entend relancer la marque CCF, parle plutôt de positionnement différentiant sur le marché français, en proposant des produits haut de gamme. Exactement ce que disait HSBC au départ…

Alors que la concurrence des Big Tech se dessine et qu’un Goldman Sachs s’est lancé dans la banque de détail sur la base d’une approche industrielle tout à fait nouvelle, alors que certaines licornes sont devenues incontournables dans les paiements et d’autres outils clés, les produits et services bancaires ne peuvent plus être envisagés sans le support d’une ingénierie performante. Gageons donc qu’à défaut, l’ex réseau d’HSBC se retrouvera assez rapidement en vente après des restructurations drastiques. Ce qui pourra d’ailleurs assez bien tomber: les grandes banques américaines, qui se portent fort bien, commencent à faire des emplettes en Europe.

Guillaume Alméras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor