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"Une bataille qu'on pensait gagner": le médiateur des entreprises alerte sur la hausse des délais de paiement

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Invité sur le plateau de BFM Business, Pierre Pelouzet a indiqué que les retards de paiement étaient repartis à la hausse après être provisoirement retombés autour de 12 jours après la pandémie.

Un délai qui glisse de nouveau et pénalise les entreprises. Pierre Pélouzet, le médiateur des entreprises, constate que depuis quelques mois, les retards de paiement s'accumulent. Dans les années précédant la pandémie, les délais se réduisaient d'un jour par an et étaient tombés à dix jours en moyenne.

"C'est une bataille qu'on pensait être en train de gagner, regrette Pierre Pelouzet. Le Covid a fait exploser tout ça et pendant l'année 2020, on est remonté à 15, 16, 17 jours de retard. On avait mis en place un comité de crise pour juguler immédiatement ce sujet et on est redescendu autour de 12 jours de retard."

Réduire les délais de paiement de 60 à 30 jours

"Mais malheureusement, on sent aujourd'hui que ça remonte et à un mauvais moment car les TPE et PME sont soumises à la montée du cours de l'énergie, des matières premières, à l'inflation et la hausse des taux d'intérêt. Leur trésorerie se tend et la moindre facture en retard peut les mettre en grande difficulté."

A ce titre, le médiateur des entreprises s'est montré sceptique vis-à-vis du projet de la Commission européenne de réduire les délais de paiement de 60 à 30 jours : "Aujourd'hui, le sujet n'est pas le délai de paiement légal mais le retard de paiement. Toute notre énergie doit être de ramener au délai légal de 60 jours avant de diminuer. Sinon on va aggraver le problème car ce sont les petits qui vont devoir payer plus tôt et les grands vont payer plus tard." Malgré la situation de trésorerie tendue d'un grand nombre de TPE et PME, Pierre Pelouzet estime que l'heure n'est pas à la panique mais plutôt à la vigilance "car on ne parle plus du mur des faillites" :

"Quand on dit qu'il y a 15 milliards qui sont dans les poches des grands comptes publics et privés et qu'ils devraient être dans celles des PME et TPE, ces 15 milliards d'euros peuvent faire la différence dans un moment où les trésoreries sont tendues."

Des sanctions renforcées dans les prochains mois

Présente sur le plateau de CNews ce vendredi, la ministre déléguée chargée des Entreprises Olivia Grégoire a également déploré ce chiffre: "ce sont toujours les PME qui payent en premier et les dernières à être payées. Et les PME représentent 99% de nos entreprises. Il y a un peu plus de 15 milliards d'euros dans la nature que nos PME n'ont pas sur leur compte à banque à cause de ces retards de paiement. Ce sont bien souvent les grands acteurs qui jouent de ces délais de paiement."

"Nous avons aujourd'hui des défaillances de toutes petites entreprises dans certains secteurs comme le bâtiment. Elles tombent parce qu'elles ne sont pas payées en temps et en heure. Quand on est banquier, on n'accepte pas de voir une TPE qui ne rentre pas les rémunérations de ses factures."

La membre du gouvernement a confirmé que les sanctions en la matière seraient renforcées dans les mois à venir: "Avec Bruno Le Maire, on ne s'interdit rien et on envisage d'élargir le spectre de ceux qui doivent être transparents: les entreprises, c'est bien mais les collectivités ont aussi le droit d'être transparentes, c'est même la loi. D'ici au 15 avril, elles devront publier leurs délais de paiement pour les collectivités territoriales de plus de 3.000 habitants."

Une médiation qui fonctionne bien

Plus globalement, la médiation entre les entreprises françaises apporte des bénéfices depuis quelques années. "Dans les quatre dernières années, on a fait deux fois plus de médiation que dans les 10 années précédentes, se réjouit le médiateur des entreprises Pierre Pelouzet sur le plateau de BFM Business. Alors, ça ne veut pas dire qu'il ne s'est rien passé dans les 10 années précédentes. Cela veut dire que face à toutes les crises que nous connaissons - Covid, inflation, matières premières, guerre - le réflexe du dialogue et de se faire accompagner par un médiateur prend dans notre économie."

Pierre Pelouzet a notamment rappelé que l'objectif de cet acteur était notamment "d'équilibrer le dialogue" entre des entreprises de taille modeste et des grands groupes comme dans le cas de litiges liés à la fourniture d'énergie.

"On essaye de trouver une solution mais ce n'est pas forcément d'effacer le contrat, ça peut être d'étaler les paiements, de regarder comment on utilise la consommation entre les heures creuses et les heures pleines, explique-t-il. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire sur un contrat d'énergie de manière à amortir le choc qu'on a connu en 2022 et avec des prix qui restent encore élevés aujourd'hui."

Timothée Talbi