Ventes de billets de train: vers plus de concurrence?

La distribution de billets de train est aujourd'hui au coeur du débat sur la concurrence dans le ferroviaire. Les opérateurs historiques écrasent le marché avec leurs applications maison comme SNCF Connect et leurs concurrents comme Trainline font la grimace.
En effet, ils estiment les conditions de marché ne permettent pas à cette concurrence d'être viable et de s'exprimer pleinement.
Exemple avec les données des opérateurs dont les accès seraient limités. "Parmi les freins qui ralentissent l’innovation et le développement de nouvelles fonctionnalités, les distributeurs indépendants déplorent l’accès incomplet aux données des opérateurs ferroviaires, notamment les prix des billets, les conditions de service-après-vente consenties aux voyageurs en cas de retard ou d’annulation", expliquent plusieurs plateformes tierces.
Précédent européen
Mais les choses pourraient changer. La Commission européenne s'est penchée sur la question, notamment du côté de la Renfe, l'opérateur historique espagnol, et a ouvert une enquête soupçonnant Renfe d'avoir "restreint la concurrence sur le marché espagnol des services de billetterie".
Bruxelles redoutait que le groupe ferroviaire public espagnol ait refusé de "fournir aux plateformes tierces des contenus complets sur sa gamme de billets et de réductions, ainsi que des données en temps réel".
Pour dissiper les craintes de la Commission, la compagnie, détenue par l'Etat espagnol, s'était engagée en juin 2023 à "mettre à la disposition des plateformes de billetterie tierces l'intégralité du contenu et des données en temps réel affichés sur n'importe lequel de ses propres canaux en ligne".
C'est aujourd'hui chose faite et ce mercredi, la Commission a jugé que les engagements de la compagnie à partager des données sur ses offres de billets avec des concurrents suffisaient pour répondre à ses inquiétudes concernant un abus de position dominante en Espagne.
"Les engagements répondent aux préoccupations en matière de concurrence exprimées à titre préliminaire par la Commission" et deviendront désormais "juridiquement contraignants" pour "une durée indéterminée", a indiqué l'exécutif européen dans un communiqué.
Parité entre les plateformes
"L'engagement de Renfe sera donc dynamique et ne se limitera pas au contenu ou aux données en temps réel déjà fournis par Renfe par l'intermédiaire de ses propres canaux", a commenté mercredi l'exécutif européen.
Le groupe espagnol garantira par ailleurs un accès aux billets disponibles qui assure "la parité entre les plateformes de billetterie tierces et les propres plateformes de Renfe", tout en offrant à ces plateformes "des services informatiques de haute qualité" pour concrétiser leurs ventes.
Enfin, Renfe s'engage à s'abstenir de "toute mesure technique ou commerciale inéquitable, déraisonnable ou discriminatoire qui empêcherait ou entraverait l'accès" à ses données en temps réel, souligne la Commission.
Pour les plateformes tierces, c'est une première victoire de taille.
"Félicitations à la Commission européenne pour son action décisive et son engagement en faveur de conditions de concurrence équitables. Cela crée un précédent pour toute l’Europe, Renfe doit désormais accorder la parité d’accès aux distributeurs de billets tiers comme Trainline. Cela signifie un accès égal aux mêmes données, tarifs, fonctionnalités et contenus que ceux proposés par les compagnies ferroviaires", commente Jody Ford, CEO de Trainline.
Commissions trop faibles
"Cela créera plus de choix, d’innovation et de valeur pour les clients - même si cela ne sera réalisé à son plein potentiel que s’il existe également une rémunération juste, raisonnable et non discriminatoire de la part de tous les opérateurs ferroviaires. L’innovation n’est pas bon marché", poursuit-il.
C'est en effet le second grief de ces acteurs vis-à-vis des opérateurs, les commissions versées par ces derniers sur la vente de chaque billet sont jugées trop faibles.
"Les distributeurs de billets indépendants, qui se rémunèrent principalement des commissions reversées par les transporteurs sur chaque billet vendu, déplorent des taux de commission trop faibles (et en baisse ces dernières années) pour couvrir leurs coûts et leurs besoins d’investissements", se désole Trainline, soutenu dans cette démarche par Omio et Kombo.
Et de poursuivre: "le niveau de rémunération actuel menace, ainsi, leurs capacités à innover pour améliorer le service rendu aux voyageurs et accélérer le report modal en faveur du train".